La tuerie de Nanterre, celle qui a coûté la vie
à 8 élus municipaux et blessé une vingtaine d'autres,
à la fin d'un conseil, a suscité une émotion légitime.
Au delà de l'émotion première, saisissons l'événement
pour réfléchir à l'engagement politique au niveau
de la Commune.
Ce numéro de GERMINAL a pour thème : "Démocratie
et engagement local".
Il vous donne les réactions d'un certain nombre d'élus
municipaux de notre ville de Châtenay-Malabry. Ces élus,
qui sont tous des chrétiens de notre paroisse, appartiennent
à des partis différents. Ils appartiennent à
des équipes municipales qui se sont succédées.
Je les remercie d'avoir livré leur réflexion sur leur
"travail" de conseillère ou de conseiller municipal.
Plusieurs ont donné la genèse de leur engagement ou
de leur entrée en politique "au service" de la Commune,
ou fait part de la difficulté de la tâche - y compris
pour les conjoints - et de la dureté ressentie des affrontements
partisans, Ce partage n'est pas facile. Il peut être profitable.
Je regrette cependant que d'autres lecteurs de Germinal, femmes ou
hommes de notre paroisse, n'aient pas profité de l'occasion
pour apporter leur pierre à la réflexion sur la chose
publique à cet échelon premier qu'est la Commune.
Car, chacun le sait : la vie de notre cité nous concerne tous.
Si nous râlons souvent, c'est bien que nous sommes concernés.
Il me semble qu'a manqué une réflexion en profondeur
sur plusieurs points et j'aimerais dire aux élus et aux autres,
quelques unes de mes interrogations.
Ma naïveté et mon inexpérience politiques excuseront
ce qui pourrait être reçu par eux comme le "catalogue"
prétentieux d'un donneur de leçon.
- Comment une équipe municipale détermine-t-elle le
"bien commun" de la Commune ?
- Quelle est la part d'écoute, d'échanges, d'affrontements
loyaux pour connaître les besoins, les craintes, les espoirs
de concitoyens de la ville, leurs attentes ?
- Une fois les besoins cernés ou la ligne tracée, quel
est le processus de décision ? En fonction de quels critères
?
- Comment se vit le souci de faire cohabiter des populations différentes
socialement, culturellement, ethniquement ? Est-il possible de faire
comprendre et accepter aux uns que leurs impôts locaux serviront,
au cours de tel exercice, à satisfaire plutôt les besoins
des autres ?
- Certes, je n'ignore pas qu'une part importante du travail communal
consiste en la gestion de "l'existant" ; je veux dire continuer
à faire fonctionner les institutions ou à entretenir
les équipements : écoles, routes, circulation, sécurité
publique etc... On n'est pas toujours en train d'innover, mais, même
pour ce "quotidien", n'y a-t-il pas place pour une participation
plus directe et alors, qu'est-ce qui détermine les choix ?
- Les choix adoptés, les explique-t-on aux concitoyens ? Leur
explique-t-on ce qui les a motivés, que ces motivations soient
d'ordre financier, économique, social, culturel ou autre ?
- Est-on capable d'entendre les critiques même négatives
?
- Parle-t-on avec les "administrés" lorsqu'on "communique"
dans un journal local de tous ces problèmes et de bien d'autres,
tels que l'inter-communalité ?
- Ou est-ce que la presse municipale n'est là que pour chanter
les louanges de l'équipe en place, quelle qu'elle soit et de
préparer la prochaine ré-élection ?
- Une commune est aussi une entreprise avec du personnel. Quels liens
y a-t-il entre les élus et le personnel communal. Ces relations
sont-elles faciles, difficiles, impossibles, ingérables ? Pourquoi
?
- Existe-t-il, à l'échelon de la ville, un débat
démocratique plus large que les sessions du Conseil municipal
?
- Quelle est la proportion des 20/30 ans dans la ville et dans l'engagement
politique au niveau de la Commune ?
J'aurais aimé aussi qu'on se soit interrogé, sur la
durée de l'engagement comme conseiller/conseillère ou
comme maire ; sur l'opportunité pour des élus municipaux
de " faire carrière", je veux dire de se présenter
pendant plus de deux mandats consécutifs. On connaît
en France et sans doute ailleurs des maires qui occupent le fauteuil
de premier magistrat d'un ville pendant 24, 30 ou 40 ans. Est-ce normal
? Je pose d'autant plus librement la question que ce n'est pas le
cas de notre Commune.
Ne faut-il pas envisager de préparer d'autres citoyen(ne)s,
de plus jeunes, du sang neuf, à prendre en charge cette responsabilité
du bien commun.
Il se peut que l'on m'objecte: "mais, personne ne veut faire
ce travail, prendre ces responsabilités, être toujours
sollicité, dérangé, prendre des coups moralement,
… vous rêvez, Monsieur le Curé !"
Alors, si c'est ainsi, j'aimerais que l'on réfléchisse
aux raisons du désintérêt apparent ou réel
de la chose publique, par une part importante des citoyens d'une ville.
Car si cela s'avère exact, c'est inquiétant.
Suis-je trop pessimiste, mais le peu de réponse de paroissiens
sur ce thème, m'interpelle ? Ne devient-on pas à
ce niveau communal, comme ailleurs des "consommateurs",
râleurs, juste aptes à critiquer sans jamais rien proposer
et/ou en refusant de s'engager ?
Je vous laisse sur cet examen de conscience comme devoir pour les
vacances qui viennent. Mais au-delà, je pense qu'il convient
d'être reconnaissant à ceux qui ont le courage de s'engager
en politique. Non, tous ne sont pas des pourris, comme on l'entend
parfois..
Un grand merci à nos élus pour leur engagement et qu'ils
développent toujours plus le sens du ministère, c'est
à dire du service du bien commun.
Philippe GUIBARD, citoyen lambda,
Et curé
P.S. A l'adresse des paroissiens : vous aurez remarqué que
mes interrogations pourraient s'appliquer, à quelques nuances
près, à la vie et au fonctionnement de notre église
locale, à la communauté paroissiale.