Les récents événements
de Nanterre ont rappelé, à juste titre, que l'engagement
dans la Cité (au sens grec du terme) pouvait devenir un sacrifice.
Sans doute ce drame est exceptionnel, mais, dans une société
où il est souvent de bon ton de dénigrer le " politique
", il vient aussi rappeler que pour des milliers d'élus,
l'engagement politique est d'abord un service. Cette
idée de service n'est-elle pas d'abord au cœur du message évangélique,
même si elle ne lui est pas exclusive.
Peut-on être chrétien et s'engager
dans la vie politique ? L'Eglise, aujourd'hui, insiste sur la valeur
de l'engagement dans les affaires de la Cité, et cela nous
semble une bonne chose. Chaque fois que l'on nous a posé cette
question, nous avons toujours répondu que tout ce que nous
essayions de faire, nous le faisions d'abord parce que nous sommes
chrétiens ; cela vaut, bien sûr, pour l'engagement politique,
même si ce n'est pas toujours facile.
Peut-on être chrétien et faire
les choix politiques qui sont les nôtres ? Moins qu'il y a quelques
années, mais il nous arrive encore souvent d'avoir l'impression
de n'être nulle part à " notre place ". Dans
l'Eglise, certains disent : que font-ils là puisqu'ils sont
" de gauche " ? Dans d'autres lieux, on nous dit : "
Comment pouvez-vous militer et continuer à vous déclarer
membre de cette Eglise " ? Cette contradiction n'est pour nous
qu'une apparence car nous vivons, entre autre, dans notre engagement
politique ce qui nous semble essentiel dans le message de Jésus
: " Aimez-vous les uns les autres ". Pour autant, cet engagement
ne peut avoir de valeur que s'il est fondé sur le respect de
l'autre et sur la vérité du vécu. Ce respect
et cette vérité, nous souhaitons qu'ils soient partagés
: d'autres font d'autres choix, et c'est la richesse de notre Eglise
que de se nourrir de ces différences. Il y a un chant que nous
aimons particulièrement : Ouvririons-nous notre porte à
l'étranger ? L'étranger, c'est souvent l' " autre
" comme nous le montre la parabole de la Samaritaine.
Il y a, bien sûr, mille manières
de témoigner de sa Foi en Jésus : cela va de la Foi
des contemplatifs utiles par la Prière, à celle de ceux
qui s'engagent auprès des plus pauvres, des exclus, en militant
dans des associations caritatives. Il y a aussi celle qui consiste
à vouloir agir en essayant de changer les structures de la
Société pour plus de justice, plus d'égalité,
plus de liberté : cela s'appelle " faire de la politique
". Ce n'est pas pour soi, ce n'est pas par ambition personnelle,
mais tout simplement pour que les choses aillent mieux et pour mettre
en œuvre ce que sont nos convictions.
Ce n'est pas facile tous les jours : que
de tâches ingrates, que de " coups " reçus,
que d'incompréhensions rencontrées ; il y a la joie
de la réussite et du succès ou le sentiment d'injustice
devant l'échec ou la défaite, mais c'est la règle
du jeu. Dans l'une comme dans l'autre des situations, il ne faut jamais
perdre de vue ce pour quoi nous faisons cela : faire avancer des idées
que nous croyons justes afin que la situation de chacun s'améliore,
que notre société soit plus respectueuse des besoins
de chacun. Nous croyons en cela : être fidèles à
ce qui est pour nous le premier message de notre Eglise.
Pour Emmanuel Mounier, l'engagement était
un principe de vie : non pas l'engagement pour un Pouvoir, mais l'engagement
pour la Personne. C'est ce même ressort qui nous anime. Dans
une société où domine l'individualisme, nous
croyons à la valeur de la Personne, c'est-à-dire à
la nécessité de promouvoir l'être humain dans
son environnement social.
En ce sens, nous croyons à la
noblesse de l'engagement politique fait de service, et nous savons,
quels que soient les principes qui les animent, que c'est celui de
l'immense majorité des militants et des élus.
Michèle et Michel CANET