Ce cri est une réaction aux
trop nombreux commentaires chagrins, chafouins, passéistes
ou aigris que j'ai entendus à la suite de la création
et de l'apparition réussies de la monnaie européenne
Leurs auteurs n'ont pas su y voir la force symbolique de l'Euro et
la popularité de l'accueil qui lui a été fait.
Et cela, en particulier sur une radio chrétienne !
A mille lieues de ces esprits chagrins,
notre jeune nièce, étudiante à Berlin, logeait
chez nous au cours du mois dernier. Pour elle et ceux de sa génération,
la transparence aux échanges et voyages dans l'espace européen
est une évidence. En utilisant ses Euros, non seulement elle
n'imaginait pas un retour aux monnaies nationales, mais elle se demandait
pourquoi la monnaie européenne n'était pas apparue plus
tôt !
Le projet d'une réconciliation et
d'une union de l'Europe est ancien. Il a toujours apparu en réaction
à ses divisions. Sans remonter à Charlemagne, on peut
noter les visions prophétiques de Paul Valéry (1).
les efforts politiques de Stresseman et, bien sûr, d'Aristide
Briand, promoteur d'un projet de fédération européenne
et prix Nobel de la Paix en 1926.
Dans ses Mémoires, de Gaulle raconte
qu'en 1944, passant au Vatican, Pie XII --tant décrié
aujourd'hui-- lui révéla son " grand dessein "
: une union des peuples d'Europe (2). De fait, après
l'institution de la C.E C.A (3), ce sont surtout des chefs
d'états et des politiques chrétiens qui furent les "
Pères Fondateurs " de l'Union Européenne : Adenauer
en Allemagne, Robert Schumann et Jean Monnet en France, de Gaspéri
en Italie, et bien d'autres furent à l'origine du traité
fondateur : le traité de Rome en 1953.
A Charles de Gaulle, on doit surtout l'oeuvre
de la réconciliation franco-allemande. Sur ce plan,
sa politique fut poursuivie quels que furent les changements de Présidents
ou de Majorité. Elle fut marquée par plusieurs traités
dont le premier, en 1963, favorisa un soutien populaire à cette
politique. C'est ainsi que naquit l'OFAJ, l'Office Franco-Allemand
pour la Jeunesse,qui permit de développer des voyages et échanges
culturels entre les jeunes des deux pays.
La base populaire du rapprochement
franco-allemand trouve une origine historique chez ceux qui, comme
moi, étaient encore adolescents au lendemain de la guerre et
étaient curieux de rencontrer les ennemis d'hier. Ainsi, un
peu plus tard, c'est au cours d'un pèlerinage à Mariazell,
en Autriche, organisé par " Pax-Christi ", que j'ai
découvert parmi eux des gens marqués par le deuil et
la souffrance, mais chaleureux , accueillants et résolus à
ouvrir un nouvel avenir aux habitants de l'Europe. C'est là
aussi que j'ai rencontré ma future épouse.
Sans de telles bases populaires, l'extraordinaire
mouvement de création de nombreuses villes jumelées
aurait été impossible. Curieusement, ces initiatives
locales ont été largement soutenues par d'anciens prisonniers
de guerre qui n'avaient pas gardé que des mauvais souvenirs
de leur séjour en Allemagne...
Notre Commune est jumelée
depuis longtemps (1967) avec la ville allemande de Bergneustadt, près
de Cologne, avec laquelle les échanges se multiplient. La prochaine
visite de Bergneustadt à Châtenay a eu lieu à
l'Ascension. Plus récemment, notre commune s'est jumelée
avec Landsmeer en Hollande (1986). Un voyage à Landsmeer est
prévu fin juin. La dernière ville jumelée est
Wellington, en Grande-Bretagne. Toutes informations sur ces activités
peuvent être obtenues au Pavillon Colbert
(Tel. 01.43.50.22.71).
Au plan paroissial, une initiative
se développe depuis quelques mois: celle du
" Projet Europe ". Ce projet se situe dans le
cadre des jumelages existants. Il veut établir des liens stables
et organiser des manifestations, des fêtes, entre les Paroisses
des villes concernées. Guy GALLIC et Jean DESMET sont les principaux
animateurs de ce Projet.
On critique parfois l'Union Européenne
en l'accusant d'être avant tout une union de la finance, une
union des riches. C'est profondément injuste. On a vu sa base
populaire. De plus l'expérience montre qu'il y a une redistribution
des richesses au sein de l'Union: c'est le cas bien connu du monde
agricole. C'est aussi le cas entre les nations: ce sont les pays les
plus pauvres, Irlande, Portugal qui en bénéficient le
plus. On comprend pourquoi de riches pays européens diffèrent
leur adhésion, tels la Suisse ou la Norvège...
Aujourd'hui, c'est le problème de
l'organisation politique, interne et externe, qui se pose de
façon urgente et qui est l'objet de controverses. On peut espérer
que la Convention consultative, où les tendances sont largement
représentées, bien présidée par Valéry
Giscard d'Estaing, pourra prochainement élaborer des propositions
de constitutions qui feront l'objet d'un choix démocratique
Certains aspects du fonctionnement de l'Union
Européenne peuvent être critiqués, posent des
questions. mais dans l'ensemble, au milieu des conflits mondiaux,
l'EUROPE représente aujourd'hui un pôle de stabilité,
un exemple et la preuve qu'un pardon et une réconciliation
tournés vers l'avenir sont possibles. C'est une tentative
remarquable. A nous de nous y engager pour la développer dans
la perspective posée par ses Pères Fondateurs: celle
d'un plus grand humanisme.
Serge DRABOWITCH
(7 avril 2002)
(1) " Regards sur le monde actuel " (Gallimard,1945)
(2) " Mémoires de Guerre " (Plon,1959)
(3) Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier.