Vous nous avez quittés le premier jour de l'été,
après 8 mois d'une longue maladie et 6 semaines d'hospitalisation
à la maison médicalisée Jeanne Garnier. Vous
saviez que cette maison serait votre dernière demeure. Pierre
était près de vous et nous étions heureux de
nous y retrouver. Je peux dire que nous y avons passé, aussi,
de bons moments.
Pour votre grand départ, vous avez attendu que nous soyons
tous réunis autour de vous. Ce fut pour nous un grand réconfort
de pouvoir vous accompagner jusqu'à la fin.
Cela fera bientôt 5 mois que vous nous avez quittés.
Vous êtes, bien sûr, encore très présente
dans nos cœurs mais tout ce qui nous rappelle votre présence
nous rappelle aussi votre absence et parfois cela fait très
mal... Nous devons apprendre à vivre sans vous, à vivre
autrement...
Je voudrais vous remercier, Jacqueline, en mon nom et aussi au nom
de tous ceux qui vous aiment, pour ce que vous étiez et pour
ce que vous nous avez apporté.
Vous viviez intensément le présent. Du passé,
vous ne gardiez que les bonnes choses. Vous aviez cette capacité
étonnante " d'oublier " ce qui vous avait fait souffrir.
Pour vous, " pardonner" semblait facile ! Vous n'entreteniez
pas de rancune. Vous aimiez tellement les réconciliations.
Il était difficile de ne pas se réconcilier avec vous
si cela était nécessaire.
L'avenir ne vous faisait pas peur car vous aviez confiance en Celui
qui vous habitait. Chaque matin vous vous nourrissiez de sa Parole
et cette Parole vous faisait vivre. Cela se voyait ! Une phrase suffisait
et vous comblait pour la journée. Souvent vous l'écriviez
et nous pouvions alors en profiter. On en retrouvait un peu partout
dans la maison : vous nous les offriez comme ce que vous aviez de
plus précieux !
Vous avez établi entre Dieu et vous une réelle intimité.
Vous ne le quittiez pas, Il ne vous quittait pas. Vous comptiez sur
Lui et on peut dire qu'il comptait sur vous aussi : vous étiez
toujours prête à défendre les plus pauvres, les
plus petits, ceux qui souffrent. Vous aviez le don de pleurer avec
ceux qui pleurent et de vous réjouir avec ceux qui sont dans
la joie.
Lorsque vous rencontriez une famille en deuil (pour la préparation
des obsèques) vous la portiez dans votre cœur d'une façon
telle que vous étiez alors incapable de faire autre chose,
le reste ne vous souciait plus et Pierre veillait à la bonne
marche de la maison.
Vous aimiez les rencontres, les vraies rencontres, celles où
l'on partage ce qui nous fait vivre. Vous aimiez les choses simples
: la nature, les promenades, les repas de famille, les photos... Vous
étiez capable de vous émerveiller des heures devant
une fleur de votre jardin à Montagnac. Votre richesse ? C'était
Pierre, bien sûr, et aussi votre famille et tous vos amis. Vous
étiez heureuse de ce que vous aviez et vous ne regrettiez pas
ce que vous n'aviez pas. Je me suis souvent dit que c'est sans doute
l'un des secrets du bonheur.
Votre sensibilité, votre qualité d'écoute,
votre indulgence, votre capacité à voir toujours en
nous ce qu'il y avait de meilleur faisait que nous n'avions pas de
difficulté à vous confier nos soucis et nous savions
que vous alliez les porter dans votre prière. C'était
précieux.
Mais le maladie est entrée dans votre vie..., dans notre
vie... Petit à petit il a fallu se rendre à l'évidence
: le traitement n'apportait pas l'amélioration espérée.
L'espoir a laissé place au doute puis à la dure réalité...
Jour après jour, vous avez dû accepter de voir vos forces
diminuer : ne plus lire, ne plus écrire... Ce fut un combat
très difficile pour vous d'abord, pour Pierre et aussi pour
tous ceux qui vous entouraient.
Mais le combat le plus difficile que vous avez dû affronter
fut votre combat intérieur. Plus que la maladie vous craigniez
de douter. Comment être sûr de croire jusqu'au bout en
Celui en qui on a mis tout sa confiance ? Lorsque les forces s'en
vont, est-il possible de continuer à penser que l'on ne s'est
pas tromper ? Est-il possible d'accepter quelque chose que l'on ne
comprend pas sans se révolter, sans avoir le sentiment d'avoir
été trahie ?
N'était-ce pas le Seigneur qui marchait à vos côtés
durant toutes ces années ? Ce compagnon de toute une vie peut-il
vous oublier du moment même où vous alliez vers Lui ?
Dans le doute vous avez continué à prier, vous avez
même retrouvé votre sérénité et
votre sourire. Non, Il ne vous a pas oublié, Jacqueline, et
ce combat intérieur, lui, vous l'avez gagné.
Pierre vous a beaucoup aidée ; il a été formidable,
vous le disiez. Il y avait aussi tous vos amis... et jusqu'à
la fin, tant que vous avez pu prononcer quelques mots, vous nous disiez
" on a de la chance " . Pour prononcer cette phrase dans
des moments si difficiles, je me dis que aviez raison de croire que
le Christ ne vous abandonnerait pas. Vraiment, Il vous habitait et
votre cœur était tout brûlant d'amour lorsque vous nous
parliez de Lui.
Hier, c'était la Toussaint. Bonne fête, Jacqueline.
Anne RICHARD
*J'ai eu triste privilège de pouvoir écrire à
quelques mois d'intervalles une dernière lettre à mon
père et aussi une dernière lettre à ma belle-mère.