J'ai reçu il y a quelque temps,
ce petit texte en forme de prière, d'une amie qui vit cette
situation difficile au sein de l'Eglise, celle des "divorcés-remariés".
Il m'a touchée et faisait écho à ma propre réflexion,
puisque nous sommes concernés nous aussi par cette situation
dans notre famille proche; nous partageons le questionnement à
l'Eglise et la souffrance d'un beau-frère, divorcé depuis
plusieurs années, et remarié, qui vit sa vie de foi
profondément, mais avec cette blessure au cœur, ce sentiment
d'exclusion lorsqu'il reste seul, sur son banc, et que la communauté
des fidèles se met en marche pour aller recevoir le corps du
Christ.
Voici ce que dit cette amie :
"Mais oui, Seigneur, je suis
ton invitée, et d'ailleurs me voici. Je suis là, dans
ta maison, l'église. Je suis invitée comme tous ceux
que tu aimes et qui ont cette grâce de te connaître. Je
suis heureuse et reconnaissante d'avoir retrouvé la certitude
de ton amour pour moi comme pour tous ceux que tu as créés.
Mais voilà…. Au moment où
tu m'invites à m'approcher de ta table où se partage
et se donne le pain de Vie, je ne bouge pas - je reste à ma
place, sur mon banc. Je suis en effet une de ces personnes que l'on
nomme les "divorcés-remariés" (bizarre, ce
terme : il doit bien exister des divorcés qui ne se remarient
pas et qui ne vivent pas seuls…)
Mais j'ai compris et accepté cette
idée que communier "comme tout le monde" pouvait
être une source de scandale pour certains fidèles présents
dans ton église et, pour cette raison, et seulement pour cette
raison, je ne répond pas oui à ton invitation.
Pourtant, Seigneur, je me permets
de te faire part (en vrac) de toutes les pensées troublantes
et souvent contradictoires qui se bousculent en moi à ce moment
de la messe :
- Je sais que tu m'invites , moi aussi, malgré mon parcours
hors normes.
- J'ai conscience que "je ne suis pas digne de te recevoir",
mais je crois aussi "qu'une parole de toi guérit mon âme".
- Je pense que, pour toi aussi, Seigneur, il est peut-être scandaleux
que je ne me rende pas au repas que tu as préparé pour
moi, comme le confirme bien la parabole sur les invités qui
se dérobent au festin préparé pour eux (Luc 14,
15)
- Je crois que le pain de Vie donné pour tous les hommes m'aiderait
peut-être (il ne tient qu'à moi) à mieux conduire
ma vie de chrétienne. Je me dis alors que l'intention de te
recevoir suffit; malgré cela, je ressens un manque.
- Je crois que tu es présent dans tout amour, dans ma vie,
dans ma vie de femme, et je t'en suis infiniment reconnaissante. Je
ne me sens pas mise à la porte de ton Paradis.
Mais qu'il est difficile et douloureux, Seigneur, de ne pas dire oui
à ton invitation et de me priver de ce que tu me donnes !"
Ces quelques lignes m'ont profondément émue par tout
ce qu'elles expriment de souffrance du cœur et de l'âme,. Je
ne peux pas rester insensible à cette demande d'amour adressée
au Seigneur, mais aussi à cette confiance envers sa miséricorde
et sa tendresse pour ses enfants, quelle que soit la route, caillouteuse
et semée d'obstacles, qu'ils suivent.
Je me joins à cette prière, par solidarité avec
ces frères et ces sœurs qui me sont proches, mais aussi pour
tout ce que je peux faire mien dans ces paroles, pour d'autres raisons,
qui sont autant de difficultés à répondre et
à rester fidèle à l'amour sans limites de Dieu,
mais qui malgré tout ne remettent pas en question ma confiance
et ma foi en Lui.
Catherine de Lafarge