Cette livraison de Germinal est consacrée
aux catholiques, mariés religieusement, divorcés et
remariés civilement.
Ce n'est pas là une situation
exceptionnelle. Malheureusement on connaît des divorcés
dans de très nombreuses familles. C'est pourquoi je m'interroge
sur le petit nombre d'articles que nous avons reçus sur ce
sujet. Peut-être faut-il interpréter cette réserve,
comme la gêne pour certains de révéler aux lecteurs
qu'ils sont confrontés dans leur propre famille à
la réalité du divorce et du remariage.
Au printemps dernier, j'avais organisé
une réunion pour les séparés, divorcés
et divorcés remariés. Seules quatre personnes étaient
présentes et une cinquième, intéressée,
avait fait part de son indisponibilité. Ca n'a donc pas été,
au niveau du nombre, un succès. J'ai dû mal m'y prendre.
Vos conseils, pour renouveler l'expérience., seront les bienvenus.
Vous pourrez soit m'écrire vos suggestions, soit m'en faire
part de vive voix.
Pour cette année 2002/2003, nous avons
donc programmé une nouvelle réunion sur le même
sujet ainsi qu'une autre qui s'adresserait plus particulièrement
aux parents qui vivent le divorce, d'un enfant. Nous savons combien
cela les " remue ".
Nous n'avons pas la prétention
de "refaire" l'Eglise, mais de progresser à la
fois dans la compréhension de la valeur de l'engagement pour
toujours, dans le sacrement de mariage (l'indissolubilité),
et dans celle d'une vie chrétienne, nourrie par les sacrements,
pour ceux qui ont connu l'échec de leur vie de couple et
qui se sont remariés, après un premier mariage célébré
chrétiennement.
Dans un article paru dans le journal La
Vie, le 30 novembre 2000 n°2883, le Père Jean-Charles
THOMAS, alors évêque de Versailles pour les Yvelines,
rappelait :
" Dans l'Evangile, le Christ dit deux choses. II rappelle
d'abord un principe absolu : celui de la durée et de la stabilité
de tout amour conjugal, réellement conclu devant Dieu.
Avec l'Eglise romaine, je suis convaincu que ce rappel est
indispensable et constructif pour la société. Non
seulement par fidélité à la Parole de Dieu,
mais aussi face à une situation sociale qui se dégrade
: 40% des unions aboutissent à un divorce.
En second lieu, le Christ a toujours vécu la proximité,
la compréhension, l'invitation à ne pas rester dans
une situation qui blesse les personnes…
Cette double attitude doit nous guider dans la recherche à
mener aujourd'hui…. "
Il y a donc un travail à faire,
une recherche à mener, d'abord pour comprendre la valeur
et l'exigence de l'engagement stable - " un amour durable "
aurait dit Jacques de Bourbon-Busset. -
Où, aujourd'hui, cette réflexion
est-elle menée ? Sans doute au cours de la préparation
à la célébration religieuse du mariage pour
les chrétiens catholiques. Mais est-ce suffisant ?
Lors de leur dernière Assemblée
plénière à Lourdes, au début de ce mois
de novembre 2002, les évêques de France ont étudié
la pastorale du mariage et ont rappelé parmi 6 conditions
pour que puisse être célébré le sacrement
de mariage que "l'homme et la femme s'engagent définitivement
l'un envers l'autre (indissolubilité)".
" La vie conjugale et familiale
peut connaître des difficultés, voire des crises. Aujourd'hui,
beaucoup ne voient pas d'autres solutions que le divorce trop souvent
présenté comme une issue pacifique. On est frappé
de la rapidité avec laquelle une rupture est décidée
et du peu de moyens de réflexion dont disposent les personnes
confrontées à cette épreuve. "
Et j'ai trouvé particulièrement
intéressante la proposition suivante que nous font nos évêques
: " La préparation au mariage doit envisager ces hypothèses
très clairement et pousser les conjoints à identifier
les personnes qui pourraient les aider en cas de besoin, à
les choisir éventuellement comme témoins de_ leur mariage.
On veillera, de même, à leur fournir des informations
précises et utilisables sur les mouvements familiaux ou les
groupes de foyers…. "
Rappeler les principes, l'Eglise sait le
faire. C'est indispensable, mais ce n'est pas suffisant. Nous ne sommes
pas une Eglise de "purs". Notre foi nous invite à
tenir compte des réalités et des situations concrètes.
Que faisons-nous par rapport au refus de notre Eglise d'admettre les
divorcés remariés qui le désirent profondément,
à la communion eucharistique ?
Faut-il ignorer purement et simplement cette
prise de position de l'autorité romaine ? Un tel comportement
me paraîtrait manquer de prudence et de sens spirituel.
Faut-il, par solidarité avec eux,
faire !a grève de la communion eucharistique ? C'est la façon
que certains, ont trouvé de partager la souffrance de "l'exclu".
Faut-il quitter cette Eglise lorsqu'elle
nous paraît inhumaine, sans miséricorde et aller voir
ailleurs ? Et qui aidera alors notre Eglise à bouger et à
réfléchir à la façon dont elle interprète
le message inamissible de Jésus le Christ ?
" Tout divorce implique des souffrances.
Nous ne jugeons pas celles et ceux qui y ont recours ou qui y sont
contraints, " nous disent encore les évêques
de France.
" Par fidélité au
caractère unique et définitif de leur mariage, certaines
personnes divorcées choisissent de ne pas se remarier. Nous
reconnaissons la grandeur de ce choix conforme à l'appel de
I'Evangile.
D'autres décident de contracter
une nouvelle union civile. Certaines veulent être accompagnées
par la prière de l'Eglise dont elles sont et demeurent membres.
Une telle prière ne peut pas prendre la forme d'une célébration,
laquelle présenterait les signes extérieurs d'un mariage
sacramentel.
Par respect de la cohérence entre
les deux sacrements de l'Alliance, l'eucharistie et le mariage, l'Eglise
leur propose différents modes de participation à sa
vie ainsi que des moyens d'accompagnement pour un cheminement spirituel."
Je partage totalement le point de
vue de Michel Legrain, professeur à l'Institut Catholique de
Paris, dans le numéro de La Vie déjà cité
: " … Est-ce vraiment témoigner de l'Evangile que d'écarter
à vie de la table eucharistique ces personnes civilement remariées
? Et ceci jusqu'à ce qu'eIles entrent en repentance, c'est
à dire, selon la discipline romaine, soit se séparent,
soit s'engagent à vivre comme frère et cœur.
Les autres Eglises chrétiennes qui, elles aussi, ont reçu
la grâce et la mission d'interpréter les Ecritures, ont
tiré de celles-ci des doctrines et des disciplines très
différentes, offrant aux personnes désireuses de se
remarier des chemins de repentance plus diversifiés et nuancés.
S'efforcer de témoigner d'un
Dieu qui n'en finit pas de renouveler son alliance avec notre humanité
faible et versatile, est-ce donc trahir Dieu ? (c'est moi qui
souligne)… Comment oublier en effet combien sa rigidité (celle
de l'Eglise) doctrinale et disciplinaire a blessé et culpabilisé
pour toujours des centaines de milliers de catholiques remariés
civilement après divorce. Parmi eux, beaucoup reconnaissent
qu'ils ont manqué de clairvoyance, de courage ou de générosité
au cours de leur précédente union. A la suite d'un travail
de deuil et d'un approfondissement psycho-affectif personnel, accompagnés
parfois d'une renaissance spirituelle indiscutable, des femmes et
les hommes catholiques se sont mariés à nouveau, espérant
que les moyens qu'ils mettent en oeuvre désormais aboutiront
à une vie de couple heureuse et satisfaisante, humainement
et chrétiennement. Est-ce là un péché
irrémissible et impardonnable ?
De très nombreux synodes
diocésains, des prêtres, des laïcs aux responsabilités
ecclésiales fort diverses demandent respectueusement et fermement
que l'Eglise qu'ils aiment et servent, se décide enfin à
réexaminer ses positions à la lumière d'un Evangile
qui n'en finit pas, au nom de l'amour comme de la miséricorde,
d'inviter autour de la table du Père de famille aussi bien
le fils aîné qui se dit en règle que le fils cadet
qui s'efforce de se remettre en route".
Que cette réflexion de Germinal invite
chaque membre de notre communauté à s'interroger à
la fois sur la manière dont il promeut dans ses relations conjugales
ou dans l'éducation de ses enfants, un amour durable à
l'image de celui que Jésus le Christ a pour son Eglise et à
la fois sur l'accueil qu'il est prêt à faire à
la sœur ou au frère blessé et qui se sentent rejetés
par l'Eglise, parce qu'exclus de la communion eucharistique. Car,
ne l'oublions pas, nous sommes aussi l'Eglise, certes pas seul, mais
nous sommes aussi l'Eglise.
Philippe GUIBARD, curé