Il y a peu, un demi-siècle,
la communion était solennelle, circonstanciée et rare.
C'était sans doute le Sacrement le moins partagé dans
notre Eglise.
Y accéder, exigeait de préparer
le terrain : être à jeun, pardonné de tout péché
mortel, une absence à la messe dominicale constituait déjà
ce délit. Nous devions presque faire preuve d'imagination dans
nos confessions : avions-nous eu des pensées mauvaises ?
Dans le même temps, l'Eglise
enfermée sur elle-même, n'abordait pas les sujets qui
dérangent. Imagine-t-on un Pape s'adressant aux jeunes pour
leur dire : " Ne vous découragez pas devant les fautes
et les manquements de certains des fils de l'Eglise " - " La
tromperie la plus grande, la source la plus importante de malheur
consistent dans l'illusion de trouver la vie en se passant de Dieu,
d'atteindre la liberté en excluant les vérités
morales et la responsabilité person-nelle ".
Non, c'était le silence assourdissant
: on pouvait avoir une double vie, engrosser les bonnes, devenir prêtre
par décision parentale, ignorer les conditions de vie des femmes
: l'Eglise ne bronchait pas !
Il n'y a qu'un truc qui ne passait pas :
le divorce. C'était l'affront officiel, l'acte de vérité
qui disait tout haut l'échec de l'engagement devant l'Eglise
et devant Dieu.
L'Eglise a trouvé une parade
- et bien longtemps avant que je la découvre - : si vous divorcez,
vous ne pourrez vous remarier civilement sans être exclu à
tout jamais de la Sainte Table.
Il y a cinquante ans, ce n'était
pas un gros problème, les mœurs encourageaient le pécheur
à adopter un profil bas, à composer en passant discrètement
outre, ou à recourir à l'annulation du mariage, souvent
négociable.
Aujourd'hui, peut être grâce
à cette évocation, je mesure l'importance des progrès
que l'Eglise a pu faire dans un si court laps de temps. La Communion
est, je pense, devenue le sacrement fédérateur d'une
Communauté vivante.
L'Eglise (comme la société)
a évolué en abordant les sujets concrets, en distinguant
les progrès à accomplir, en encourageant le dialogue
entre tous, bref : en essayant de parler plus vrai. L'accueil des
pécheurs dans l'Eglise du Christ a beaucoup évolué.
C'est dans une solennité plus sobre mais forte que le Prêtre,
en français, face aux fidèles, proclame : " Faites
ceci en mémoire de moi " - " Dites seulement une
parole et je serai guéri " - et ceci a pour nous un sens
très fort d'amour, de partage et, naturellement, de pardon.
Notre " Amen " a, maintenant, un sens.
Alors ? Pourquoi le divorcé
d'aujourd'hui doit-il subir l'antique attitude de l'Eglise, malgré
le décalage énorme du temps nouveau ? Le rejet est insupportable
dans une Eglise qui ne doit plus retenir son pardon.
A la dernière messe de Noël,
passée en famille à la montagne, au milieu du défilé
de communion d'une foule inconnue, heureuse et gaie, mon fils est
resté à son banc. Je suis resté à ses
côtés, en communion.
Hubert Delamare