Le Mariage, est d'abord une réalité
humaine : " Les chrétiens se marient comme tout le monde
" (lettre à Diognète V, 6) [1] Mais la forme religieuse
du mariage a évolué au cours des siècles . Ce
n'est qu'au XIIème siècle que le mariage licite se fait
devant l'Eglise, et c'est le concile de Trente qui lui donne sa forme
canonique.
Pendant longtemps le mariage est resté
stable dans sa forme sociale : c'était l'affaire de toute une
famille. Il faisait l'objet d'un contrat, d'un partage matériel
qui requerrait une certaine stabilité.
Une première révolution
a eu lieu avec la prédominance progressive du mariage d'inclination
dicté par le sentiment affectif, mais soumis comme lui aux
caprices de l'amour, qui, comme on le sait, "est enfant de bohème"...
C'est devenu un choix personnel et révocable. Une affaire à
deux.
Mais la révolution qui a tout
fait basculer est récente : c'est celle de la contraception.
Bravant les interdits de l'Eglise,
la contraception a permis de séparer dans le mariage ses deux
composantes fondamentales :
d'une part l'alliance proprement dite entre l'homme et la femme, la
relation amoureuse du couple, si possible dans la confiance et l'entraide
"pour le meilleur et le pire"
d'autre part la décision éventuelle de fonder une famille.
Cette décision peut aujourd'hui relever d'un choix délibéré
: la liberté dont il procède accroît la responsabilité
des parents : selon une formule connue "on ne divorce pas d'avec
ses enfants".
L'accroissement de liberté et
de responsabilité est un progrès humain incontestable.
L'Eglise a-t-elle su en prendre conscience ? Dans cette situation
nouvelle, quelles formes pourraient revêtir la sacralisation
du mariage ?
Ce qui est toujours vrai et auquel
nous croyons, c'est le projet divin sur l'humanité, tel qu'il
nous est révélé par l'Ecriture et par l'Eglise
: un projet d'alliance avec les hommes par Jésus Christ.
Cette alliance est presque toujours symbolisée
dans la bible par l'amour d'un homme et d'une femme. (Cantique des
Cantiques, Osée 2,20-25). L'avenir de l'humanité réconciliée
avec elle même et unie à Dieu est comparé à
un repas de noces (Cana : Jean 2, 1-11 ; les invités à
la noce : Mathieu 12,1-14). C'est là, la base de la théologie
du Mariage développée par St.Paul (Eph. 5,25-32)...
malheureusement teintée d'un peu de misogynie...
Quelle est la base de l'indissolubilité
du mariage imposée par l'Eglise catholique ?
C'est l'indissolubilité de l'alliance DIVINE. Cette Alliance,
Dieu la conclut avec Abraham, la renouvelle avec Noé, Moïse.
Elle trouve son aboutissement en Jésus Christ : cette "nouvelle
alliance" nous l'évoquons à chaque messe.
Quel en est le sacrement ? Est-ce le Mariage
? Non c'est l'Eucharistie.
L'Eucharistie n'est pas, à mon
sens, le sacrement de la "présence réelle".
Cette présence, Jésus la garantit à "tous
ceux qui sont réunis en son nom ".
C'est l'eucharistie qui est par excellence
le sacrement de l'Alliance. ( souvenons-nous des paroles sacramentelles
: "Prenez et buvez, car ceci est mon sang, le sang de la nouvelle
Alliance, nouvelle et éternelle, qui sera répandu pour
la multitude..., faites ceci en mémoire de moi ".
Pourtant, je reconnais que, dans la
mesure où un mariage est fondé sur la fidélité
dans la liberté, c'est à dire sur l'amour, alors oui
: il est lui aussi -et seulement dans cette mesure- signe, c'est à
dire sacrement de l'Alliance divine. Par contre, si la stabilité
d'un mariage ne résulte -comme ce fut souvent le cas- que d'une
loi, d'une contrainte, alors je pense qu'en aucun cas il ne peut exprimer
l'amour de Dieu donné dans la gratuité et accueilli
dans la liberté.
Je ne peux être d'accord avec
Rey-Mermet (page 405) lorsqu'il écrit : "par le sacrement
du mariage, vous devenez l'image vivante de l'Union du Christ et de
l'Eglise :... plus que l'image vous en êtes la réalité
même". En effet, la réalité de l'union proposée
par Dieu ne peut être soumise à l'instabilité,
à la faiblesse, au pêché humain. C'est sans doutes
pourquoi Jésus a institué un autre sacrement que le
mariage pour exprimer l'Alliance divine : l'Eucharistie.
Si le mariage est sacrement, je pense
que l'unité qu'il forme dans le respect de la différence
des conjoints est plutôt le signe de l'Unité divine dans
la différence des personnes : le sacrement de la Trinité.
La Trinité, modèle de toute relation humaine, est dans
l'intimité à laquelle tout être humain est invité.
C'est le "Don de Dieu"
Dans la situation actuelle, on peut
imaginer diverses formes que pourrait revêtir le sacrement de
mariage.
D'abord, comme pour les autres sacrements,
il devrait non pas être imposé mais proposé aux
couples qui veulent donner un sens plus profond à leur union.
Ensuite, il pourrait être accompli
en plusieurs étapes - comme pour le sacrement de l'ordre -
depuis une simple bénédiction jusqu'à la forme
achevée du sacrement, associé à un engagement
solennel. Un tel engagement n'aurait lieu que pour des couples mûrs,
ayant déjà surmonté des difficultés :
encore une fois c'est l'exemple de fidélité dans la
liberté qui est signe de la fidélité divine.
Comme dit St.Thomas : "Le mariage n'est pas le consentement lui-même,
mais cette communication de vie et de projet inaugurée par
le consentement " (cité par Rey-Mermet page 387)
Quoi qu'il en soit, lorsque la vie
de couple ou la vie de famille devient impossible, infernale, la séparation
est la seule solution. Une séparation, dans le respect mutuel
des partenaires, peut conduire chacun à une nouvelle plénitude
et donne parfois naissance à des familles recomposées
épanouies.
Si l'Eglise reconnaît dans le
divorce un mal, un échec, un pêché, pourquoi ne
pas proposer aux conjoints le sacrement de réconciliation ?
Ce sacrement pourrait être lié à un pardon mutuel.
Ce serait dans l'esprit de l'évangile (Mathieu 18,35) où
le pardon mutuel conditionne le pardon de Dieu.
Dans le même évangile,
Jésus dit : "Tout pêché, tout blasphème
sera pardonné aux hommes ", hormis le pêché
contre l'Esprit qui n'est pas en cause ici, (Mathieu 12,31).
Un tel pardon offrirait alors aux personnes divorcées remariées
la possibilité de recourir aux autres sacrements, y compris
à l'Eucharistie... et à celui d'un nouveau mariage religieux.
Serge Drabowitch
[Rey-Mermet "Croire" Tome II (Droguet-Ardent page 387)]