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Conférences 2001

 
 
Israèliens et Palestiniens : entre la peur et la paix
 
 
Conférence de Mr Joseph MAILA
 
 
24 mars 2001 
 
     
 
 

Autour de cette conférence, voir aussi:
- Suite de la conférence ( Etat des lieux et conclusion)
- Le débat à la suite de cette conférence

Merci au Père Guibard de sa présentation(*). Je voudrais vous dire l'honneur et le plaisir que je ressens ce soir, à être parmi vous dans cette superbe église. Je remercie aussi Mr Tachon d'avoir organisé avec vous dans le cadre de la semaine du C.C.F.D. cette réunion de ce soir.
Nous allons parler d'un conflit qui est à la "UNE" des journaux, qui continue d'ensanglanter le Proche-Orient et qui se présente dans une relative complexité puisque cette question israèlo-arabe n'est pas une question neuve mais date depuis plus d'un siècle. C'est depuis plus d'un siècle que les peuples de cette région souffrent.

Je voudrais structurer mon exposé de ce soir en trois temps :D'abord commencer par rappeler les dates importantes qui ont jalonné depuis plus d'un siècle, ce conflit qui voit des échecs successifs au dialogue entre Juifs, chrétiens palestiniens, chrétiens arabes et musulmans de cette région. Dans un deuxième temps j'aborderai la question de l'état des lieux, à savoir, au fond où en sommes-nous aujourd'hui ?
Dans un troisième temps j'essaierai d'aller un peu plus loin et de réfléchir aux conditions nécessaires, me semble-t-il, pour faire que ce conflit cesse et qu'il y ait un changement d'attitudes. En effet fondamentalement, en tant que chrétien et aussi en tant que politologue, je pense que la paix commence dans les coeurs par un changement dans les esprits. Je suis frappé de constater combien la paix des diplomates peut échouer quand elle se heurte à un mur d'incompréhension, à un mur d'hostilité et que les coeurs n'ont pas évolué. Quand les esprits n'ont pas évolué la paix sur le papier a du mal à se faire et quand elle se fait, elle se heurte au mur des réalités.

1) - Données historiques
Souvent on entend dire "mais entre chrétiens, palestiniens ou entre Juifs et Arabes, le conflit est ancestral et remonte très loin dans le temps. Non. Le conflit israèlo-arabe n'est pas un conflit religieux. Il faut commencer par là. Ce n'est pas un conflit d'essence religieuse bien que la religion intervienne et j''espère qu'elle interviendra un jour pour faire avancer ce conflit dans l'impasse où il se trouve aujourd'hui. Non ce conflit n'est pas d'essence religieuse, c'est un conflit politique.
C'est un conflit qui s'inscrit dans le surgissement des nationalismes, dans la volonté des peuples de cette région d'avoir un Etat à eux. Donc je ne fais pas remonter ce conflit à Abraham, ni à Moïse, ni au moment de la diaspora quand les Romains détruisirent Jérusalem. Je fais remonter ce conflit à 1896. Je l'inscris tout à fait dans le surgissement d'un nouveau nationalisme qui est le nationalisme juif.
En 1896, Théodore Herzl qui va être le fondateur du Sionisme écrit un livre qui lui est inspiré par les événements de l'époque qui s'appelle "l'Etat Juif". Dans ce livre, constatant l'état et la situation des Juifs, en Europe notamment, il écrit très franchement : "il n'y a pas de solution pour le peuple juif, en dehors de la constitution d'un Etat pour lui dans une région du monde". Je dis bien "dans une région du monde". A cette époque Théodore Herzl propose trois lieux propres à l'implantation de cet Etat Israèlien ;: l'Argentine, l'Ouganda et la Palestine.
Il dit qu'en prenant des contacts avec les puissances de cette époque, peut-être que les Juifs pourront avoir une région assez large, une superficie assez grande en Argentine pour construire leur Etat. Et puis, il dit : "au fond les Anglais aussi sont prêts à nous donner quelque chose en Ouganda" et enfin il retient la troisième solution en disant "mais qu'est-ce qui peut remplacer Jérusalem dans le coeur et dans l'esprit des Juifs aujourd'hui ? C'est à Jérusalem, c'est autour de Sion, c'est par le retour à Sion (d'où le nom de sionisme) que nous pourrons véritablement mobiliser le plus grand nombre de Juifs pour reconstruire cet Etat. "
On a là affaire à un formidable volontarisme. L'Etat n'existe pas, la nation juive est dispersée, elle est virtuellement là, mais il y a des communautés juives, il n'y a pas de nation juive à proprement parler. Il y a des communautés juives qui sont disséminées ici et là et la terre n'est pas là. La Palestine à cette époque-là dépend d'un vaste empire qui est l'empire ottoman et c'est une des provinces que gère le sultan ottoman qui est installé à Constantinople.
Je dis c'est un formidable volontarisme parce que le travail qui va être fait à partir de ce moment-là consistera véritablement à proposer l'Etat Juif en Palestine comme lieu de rassemblement des Juifs, des Juifs qui pour Théodore Herzl (et il a largement raison) sont persécutés en Europe. Ce qui est frappant aussi quand on relit le livre de T. Herzl, c'est de constater l'un des événements qui va le déterminer à agir. Né en 1860 à Buda, après une enfance extrêmement aisée, il va se transporter à Vienne où il va devenir un journaliste célèbre et en tant que tel il va se trouver à Paris pour couvrir un événement qui va le marquer profondément, à savoir l'affaire Dreyfus, la destitution du capitaine et son envoi en exil au bagne.
A partir de ce moment-là, la réflexion de T.Herzl qui n'arrête pas de retentir pour nous est la suivante : "si la France qui est la patrie des Droits de l'Homme, le pays où les Juifs ont été en premier émancipés , ne peut leur donner la possibilité d'une existence tranquille, d'une intégration en tant que citoyens alors nous ne l'aurons nulle part". C'est cette motivation qui va véritablement le mobiliser et qui va faire que Théodore Herzl né en 1860, mourra en 1904 d'épuisement et de fatigue après avoir parcouru toutes les nations qui comptent à ce moment-là, pour essayer de vendre cette idée de la création d'un Etat Juif en Palestine.
Ce qu'il réussit formidablement, c'est l'année d'après en 1897, au Congrès de Bâle, de fédérer l'ensemble des Associations Juives d'accord avec son idée dans un Congrès National qui est le premier Congrès sioniste mondial et qui va lancer le Sionisme comme mouvement politique et comme mouvement nationaliste. Pour comprendre ce nationalisme, il faut le situer dans son époque. L'époque est favorable aux nationalismes. Elle l'est pour le nationalisme allemand qui s'est constitué avec Bismark, elle l'est pour le nationalisme italien qui vient de faire l'Italie. Et T.Herzl part de cette idée qu'il y a un peuple juif, il y a une nation juive et il n'y a pas d'Etat Juif. Tout son problème à partir de 1897, ce sera de frapper à toutes les portes pour essayer de faire vivre cette idée et de la réaliser. Et il écrit de manière prémonitoire à ce moment-là, en 1897 : "Mon entreprise est folle, elle sera jugée folle par l'ensemble du monde civilisé de l'époque, mais je suis sûr que dans 50 ans l'Etat Juif verra le jour en Palestine". C'était en 1897, l'Etat Juif sera proclamé le 15 mai 1948. T.Herzl s'est trompé d'une année.
Effectivement 50 ans après, l'Etat Juif a été créé. Et pour ce faire, T.Herzl va aller voir, bien entendu, toutes les capitales qui comptent. La France n'est pas très réceptive à cette idée. Les Rotchild français ne sont pas très réceptifs. Il va essayer de voir le sultan ottoman. L'Empire Ottoman était un empire endetté et à cette époque-là, on l'appelait l'homme malade. On ne disait même pas dans les correspondances diplomatiques, l'empire ottoman. On disait H.M. et tout le monde comprenait ce dont on voulait parler. Dans une espèce de prémonition de tout ce que fait le F.M.I. actuellement, T.Herzl dira : si vous voulez nous donner une parcelle de terre pour cet Etat Juif, nous, nous nous chargerions auprès des grandes puissances de l'époque de mettre en avant un plan de retructuration de la dette ottomane.
Le sultan ottoman prête une oreille complaisante au départ et puis il comprend qu'il y va d'un lieu saint de l'Islam qui est Jérusalem et il recule en disant "je ne peux pas céder de cette terre à des infidèles. Je suis garant en tant que sultan ottoman de la souveraineté ottomane musulmane sur Jérusalem. Cela va être la réponse du Pape aussi. T.Herzl nous rapporte son entretien avec Pie X qui disait tout le temps "non possumus, non possumus"
La nation qui va prêter une oreille complaisante, cela va être la Grande Bretagne. Elle va s'intéresser à cette idée pour plusieurs raisons dont l'essentielle est une raison stratégique: l'empire ottoman est sur le point de s'écrouler et les Anglais ont des visées sur le Proche-Orient. Ils sont déjà installés en Egypte où ils ont ravi en quelque sorte le canal de Suez percé par de Lesseps et donc par les Français. Ils se partagent les bénéfices avec la France et ils se disent au fond, cela peut être intéressant d'installer une population qui leur sera acquise dans cette région, notamment pour faire pièce aux Français.
En 1914, la guerre commence avec des arrière-pensées tout à fait explicites de part et d'autre, c'est-à-dire qu'à partir de ce moment-là tout le monde sait que l'empire ottoman sera défait. Et il y a trois projets qui se présentent.
Les Anglais qui sont déjà installés dans cette région vont essayer d'embrigader ses peuples dans leur guerre contre les Ottomans. Pour ce faire, ils vont promettre aux Arabes conduits à ce moment-là par l'émir de La Mecque de leur offrir après la guerre un grand empire arabe qui ira du Sud de la Turguie aujourd'hui jusqu'à l'Arabie Saoudite. Les Arabes alléchés par cette proposition, entrent en guerre, mais les Anglais ont négocié avec eux de manière tout à fait secrète.
2ème projet tout à fait secret aussi : c'est un projet qui a lieu entre la France et l'Angleterre. Les Français ont des visées, et l'Angleterre et la France vont se partager les dépouilles de l'Empire Ottoman et les Anglais vont dire "très bien, nous avons dessiné dans le sable de cette région une ligne frontalière : tout ce qui ira du Sud de la Turquie jusqu'à Israèl d'aujourd'hui, ce sera une zone d'influence française et en-dessous, c'est-à-dire Israèl, l'Egypte, l'Arabie, ce sera une zone d'influence anglaise.Donc les Anglais ont promis un grand royaume aux Arabes (négociation secrète); ils ont promis aux Français qu'ils se partageront la région en deux, donc deux promesses tout à fait contradictoires.
3ème promesse: Les Anglais font la fameuse promesse Balfour qui date du 2 novembre 1917 et qui dit : le Gouvernement de Sa Majesté Britannique envisage avec faveur l'établissement d'un foyer national pour le peuple juif en Palestine. Foyer National, on ne parle pas d'Etat à cette époque-là.
Donc, trois promesses. Créer un foyer national pour les Juiifs, se partager l'Empire Ottoman entre la France et l'Angleterre, créer un grand royaume arabe sous l'autorité d'un chef arabe. La paix arrive. Qu'est-ce qu'on va appliquer comme projet ? C'est à Versailles et à Sèvres que vont se faire les négociations de l'après-guerre et là, les Arabes vont être les grands vaincus de cette affaire. La France menée par Clemenceau va dire "écoutez je ne sais pas ce que vous ont promis les Anglais, moi, je me suis entendu avec eux pour avoir ma zone d'influence, allez voir les Anglais et voyez ce que les Anglais vous proposent ; en tout cas en ce qui me concerne, je vais occuper ma zone. Effectivement le Général Gouraud va prendre possession au nom de la France de ce qui deviendra le Liban et la Syrie.
Les Arabes se retournent vers l'Angleterre en disant "Mais il faut faire quelque chose". Les Anglais répondent "mais regardez les Français sont perfides, ils tiennent absolument à leur morceau du gâteau, il n'y a rien à faire, je m'excuse, cela ne marche pas." Non seulement cela ne marche pas, mais on va détacher un peu cette région, on va la répartir en Etats, mais on ne va pas tout vous donner parce qu'il y a ce mandat de la Palestine. Nous avons promis au Mouvement Sioniste Mondial de créer un foyer national pour le peuple juif.
Donc c'est à partir de ce moment-là, en 1920, que tout se noue. A partir de 1920, ce mandat de la Palestine qui est une portion du territoire de ce qu'on appelle la Grande Syrie à cette époque-là va être détaché, confié par la Société des Nations, l'ancêtre des Nations Unies à l'Angleterre pour qu'elle puisse mener les populations qui vivent là jusqu'à l'indépendance, mais aussi pour permettre aux Juifs d'émigrer en Palestine et constituer ce foyer national pour le peuple juif.
Mais voyez la contradiction totale : ; un mandat, ce n'est n'est pas une colonie, c'est une mission qui vous est confiée et l'Angleterre et la France faisaient des rapports annuels à la Société des Nations en disant : voilà vous nous avez confié le mandat sur le Liban, sur la Palestine, voilà ce que nous avons fait : nous avons créé un Etat, nous avons créé des tribunaux, nous avons installé le cadastre, nous avons créé des écoles, donc une mission de civilisation comme on disait à l'époque pour amener la population locale à l'indépendance, et en même temps permettre aux Juifs d'émigrer pour créer ce foyer national du peuple juif en Palestine. En 1920, il y avait 60000 juifs en Palestine pour six cent mille palestiniens. En 1948 il y aura 650000 Juifs pour un million cinq cent mille Palestiniens. Donc la politique d'immigration qui se met en place à partir de 1920 permettra progressivement aux Juifs du monde entier de se rendre régulièrement en Palestine, de 1920 à 1948.
Cette période de 1920 à 1948 est dramatique parce que c'est une tension continuelle. Quand les populations arabes sur place voient arriver les immigrants juifs sur les bateaux, ils protestent, ils font la grève, il y a des heurts, il y a des morts et les Anglais ont peur. Les Anglais ferment le robinet de l'immigration.
Et puis, les événements se passent mal en Europe : Hitler est au pouvoir en 1933 et de nouveau le mouvement sioniste, les associations juives dans le monde entier poussent en disant "attention, la Palestine peut être un refuge pour nous ! Ouvrez les portes de l'immigration ! Et les Anglais vont jouer à ce jeu de bascule jusqu'en 1947 où ils ne pourront plus tenir la situation en main. Les populations sont radicalisées. Les Juifs sont là et sont devenus une petite minorité, les Arabes sont sur place et refusent de plus en plus la présence et l'arrivée de Juifs du monde entier.
En 1944-45, on a découvert l'horreur de la Shoah, la misère de cette extermination sans nom et le monde entier est ému et on ne comprend pas comment les Anglais n'ouvrent pas les portes de la Palestine vers cet afflux de Juifs qui viennent non pas de cités, mais des camps d'extermination où ils ont échappé à la mort. C'est le fameux épisode de l'Exodus où le bateau arrive en rade de Haïffa et les Anglais disent "non" parce qu'ils savent qu'ils ne peuvent plus gérer cet afflux massif. Le monde entier bien entendu s'émeut et la situation devient intenable. C'est là où les Anglais jettent l'éponge et disent à l'O.N.U. "voilà vous nous aviez confié cette mission en 1920, nous n'arrivons plus à gérer la situation, nous partons. Nous partons quoi qu'il arrive, le 15 mai 1948. "
L'O.N.U se saisit de la question et le 29 novembre 1947 la résolution 181 des Nations Unies est votée. Elle est votée en préconisant la partition de la Palestine qui sera divisée en deux Etats. En apprenant cette résolution, les Arabes s'enfuient, ils ne comprennent pas pourquoi ils devraient partager un pays qui, il y a 20 ans était à eux, avec 600000 Juifs qui sont là. C'est une erreur, une erreur politique, stratégique fondamentale. Et les Juifs acceptent en pensant que le moindre mètre carré qui leur est donné est bon à prendre.
Aujourd'hui c'est une inversion stratégique totale qui se fait. Aujourd'hui les Palestiniens sont demandeurs du moindre mètre carré où ils peuvent planter un drapeau et dire "voilà, ça c'est le point de départ pour un futur Etat". Les Juifs de Palestine voient juste à ce moment-là et disent : "nous voulons toute la Palestine, nous ne l'aurons pas, on nous propose 35% du territoire palestinien, nous le prendrons et peut-être que avec le temps nous en aurons un peu plus". Les Arabes, eux, se braquent dans un refus total.
Le 15 mai 1948, la guerre éclate et vous savez qu'à partir de là, ce sont des guerres qui vont avoir lieu, 48, 66, 67, 73, la guerre du Liban de 1982, donc une succession de guerres, une succession de malheurs. C'est toute la région qui flambe. Le conflit n'est plus limité aux Israèliens et aux Palestiniens. C'est le monde arabe tout entier qui prend fait et cause, c'est-à-dire, les pays arabes de la région et bientôt l'ensemble des pays qui appartiennent à ce qu'on appelle la ligue arabe qui est fondée le 22 mars 1945 et qui aujourd'hui compte 23 Etats, y compris l'Etat de Palestine, donc 22 Etats et un Etat virtuel qui a son siège à la ligue arabe. C'est toute la région qui flambe. C'est la guerre froide (1947-48). Il y a une course entre Truman et Staline pour reconnaître l'Etat Juif parce que Staline fait ce pari un peu fou de considérer que les Juifs sont portés par les kibboutz par une économie socialiste solidaire et Truman a besoin de cet électorat important et il a besoin aussi d'une population qui est naturellement tournée vers l'Occident et c'est à qui reconnaîtra le premier l'Etat d'Israèl. On sait que Staline va devancer Truman de trois minutes. Le télégramme de reconnaissance soviétique arrivera en premier.
Israèl s'installe. Mais quelle est la conséquence la plus dramatique, la plus tragique ? C'est bien entendu la création d'une diaspora.qui est la diaspora palestinienne. Il y a une diaspora qui revient, qui potentiellement peut revenir. Et à partir de 1950 la KNESSET vote une loi, la loi du retour qui donne droit à n'importe quel Juif pourvu qu'il puisse faire état de son ascendance juive, de revenir en Israèl à n'importe quel moment et d'avoir la nationalité israèlienne immédiatement. Il faut se souvenir de ce droit au retour parce que les Palestiniens demandent la même chose aujourd'hui. Aujourd'hui qu'ils sont constitués en diaspora, c'est la même demande qu'ils sont en train de mettre en avant.
A ce moment-là il y a 700 ou 800 mille palestiniens qui quittent la Palestine. Ils vont aller grossir la population palestinienne de Cisjordanie, ils vont aller du côté de Gaza, ils vont aller en Jordanie, ils vont se disperser dans les différents pays de la région, le Liban, la Syrie. Aujourd'hui, il y a près de six millions de Palestiniens, un million à Gaza, un million deux en Cisjordanie, le reste est disséminé un peu partout dans le monde arabe. La population d'Israèl est de six millions dont cinq millions cent mille sont juifs et il y a 900000 arabes, des arabes qui ne sont pas partis de Palestine en 1948, qui sont restés sur place, qui sont devenus citoyens d'Israèl, qui ont le passeport, la nationalité israèlienne mais qui sont les descendants de ces Palestiniens qui sont partis en majorité en 1948.
Donc un problème qu'on ne voit pas à cette époque-là, dont on ne soupçonne pas le potentiel révolutionnaire et de revendication qui va croupir dans les camps de réfugiés avec des responsabilités partagées. Les Palestiniens pensent qu'ils vont revenir bientôt, que les Arabes feront la guerre. Les pays arabes avoisinants qui les accueillent à ce moment-là ne sont pas disposés à les voir s'installer dans le pays. Donc ils restent dans cet état d'entre-deux, de misère, sans citoyenneté, sans nationalité, précaire parce que, pensent-ils, demain, nous rentrerons, c'est le leitmotiv de la population juive pendant deux millénaires. "Demain à Jérusalem".
Les Palestiniens élèvent un peu la même prière en pensant qu'ils pourront retourner aussi à Jérusalem. Cet état de misère et de précarité est un état tout à fait provisoire.dans leur esprit. Mais entre temps on va susciter, nourrir la revendication, nourrir la haine aux portes d'Israèl et l'ONU va voter une résolution qui est un peu l'équivalent du droit au retour. Par une résolution de décembre 1948, la résolution 194, qu'Arafat réclame aujourd'hui, il est dit que "les Palestiniens ont un droit à retourner dans leur pays ou à avoir une juste indemnisation. Aujourd'hui Arafat se bat pour cette résolution 194 qui est l'équivalent de la loi du retour pour les Juifs.
Le décor est planté. A partir de ce moment-là on peut parler de l'Etat d'Israèl, à partir du 15 mai 1948, mais un état qui vit mal dans sa région, qui n'y est pas accepté, des Arabes qui rêvent de détruire Israèl, une absence totale de reconnaissance, une méconnaissance. Les Juifs installés en Palestine ont constitué un corps étranger au coeur de la nation arabe, disent les Arabes, pour les plus fanatisés au coeur de l'Islam. Les Israèliens se constituent aussi en forteresse :"nous sommes attaqués, disent-ils. D'où la formidable expansion militaire de l'Etat d'Israèl qui, dans cette région, est un état qui a la bombe atomique. On estime à 200 ou 250 têtes nucléaires les têtes atomiques que possède l'Etat d'Israèl dans cette usine construite grâce à l'aide française à partir de 1956.
A cette époque-là, il y avait un jeune ministre de la recherche qui s'appelait Simon Perez et qui est venu discuter avec les socialistes français, à l'époque au pouvoir, de cette première installation de la Centrale nucléaire de Dimona. Le contexte est une époque de guerre froide. Donc Israèl devient véritablement une tête de pont occidental et une tête de pont américain dans un monde arabe qui regarde plutôt du côté du socialisme et de l'Union Soviétique. Le conflit est totalement gelé. Il faudra attendre la guerre de 67 pour voir les premiers mouvements de guerillas palestiniens se constituer. Mais se constituer à partir de quoi ? A partir de deux états qui sont l'Etat de Jordanie et l'Etat du Liban puisque Israèl est limitrophe de ces deux états si on exclut la Syrie. Le roi Hussein de Jordanie n'admettra pas que la guerilla palestinienne lance des attaques à partir de la Jordanie et les Palestiniens avec armes et bagages vont se transporter au Liban.
Le Liban est un Etat faible, divisé entre chrétiens et musulmans. Ils vont s'insinuer dans ces divisions, travailler sur ces divisions et faire éclater le pays et à partir de là s'installer aux frontières du Liban-Sud et attaquer Israèl. Mais vous connaissez la riposte israèlienne de 1982 où un certain général, le Général Sharon qui est aujourd'hui premier ministre de l'Etat d'Israèl, conduit une guerre formidable. Ce sera la première fois dans l'histoire des guerres israèlo-arabes qu'une armée israèlienne entrera dans une capitale arabe et encerclera Beyrouth avec ce tragique événement de Chabrat et Chatila et le massacre des Palestiniens qui s'ensuivra.
Voilà donc cet événement important de la diaspora palestinenne qui se constitue en 1948 et un deuxième événement, la guerre de 67 qui va permettre la réunification de Jérusalem.
Au lendemain de la guerre de 1948, Jérusalem est divisé en deux et en 1967, Israèl parvient à conquérir le Golan syrien, la Cisjordanie dans laquelle il se trouve aujourd'hui et le territoire de Gaza et Jérusalem est unifié. Les Israèliens entrent dans Jérusalem-Est, là où se trouve l'esplanade des mosquées qui est en réalité le mont du Temple d'où la dispute continuelle sur des symboles importants pour les deux religions. Israèl s'installe à partir de ce moment-là et déclare Jérusalem capitale éternelle du peuple juif. C'est une loi votée par la KNESSET, l'Assemblée Natiolnale Israèlienne qui le déclare.
Ces événements tragiques vont à partir de 1967, ajouter encore au malheur des Palestiniens puisqu'ils vont fuir l'avance Israèlienne à Jérusalem et en Cisjordanie et vont se réfugier au Liban et surtout essentiellement en Jordanie. Il faudra attendre la guerre du Golfe en 1990 pour voir se débloquer le conflit Israèlo-Arabe. A partir de là on se prend à rêver. Après des décennies de guerre, après une guerilla qui a ensanglanté Israèl et les pays arabes, qui est à l'origine directe du conflit au Liban, après les attaques terroristes de Palestiniens, les contre-attaques terribles des Israèliens, on se dit que l'Union Soviétique ayant disparu, les Etats-Unis étant véritablement la seule puissance dans cette région qui à la fois a l'appui des grands pays arabes qui comptent l'Egypte et l'Arabie Saoudite, et celui d'Israèl, on se dit que le médiateur américain pourra jouer un rôle important. Et à partir de la fin de la guerre du Golfe se met en place la fameuse conférence de Madrid, le 30 octobre 1991 où pour la première fois les délégations vont venir et vont commencer à parler et à discuter entre elles.
...

 

Autour de cette conférence, voir aussi:
- Suite de la conférence ( Etat des lieux et conclusion)
- Le débat à la suite de cette conférence

(*) Présentation par Philippe Guibard
En qualité de curé de la paroisse Saint Germain de Chatenay-Malabry et du CCFD local représenté par Jean Tachon, je suis heureux d'accueillir Mr Joseph Maïla. Pour ma part j'ai eu la chance de l'entendre d'abord chez nos frères réformés de Bois-Colombes, il y a 15 ans au moins. Je l'ai eu aussi comme professeur au Centre Sèvres où il donnait un cours sur la violence en politique et je crois qu'il est tout à fait apte à nous parler du sujet de ce soir. Mr J. Maïla est actuellement doyen de la Faculté des Sciences Sociales de l'Institut Catholique de Paris. Il a également enseigné à l'Université Saint-Joseph de Beyrouth puisqu'il est libanais d'origine et de coeur et il a fait ses études secondaires et universitaires au Liban qu'il a quitté il y a un certain nombre d'années. Il a fondé l'Institut de Recherche pour la Paix et il est membre du Comité de Rédaction des Etudes. Il a écrit de nombreux articles dont vous trouverez la liste sur Internet en recherchant à Joseph Maïla. Je vous cite tous ces titres parce qu'ils vous disent la qualité de celui qui va nous parler ce soir et la chance que nous avons de l'avoir comme conférencier. Le Père Calvez, jésuite, me disait "vous avez pu avoir Joseph Maïla !" En votre nom, je le remercie très chaleureusement d'avoir accepté de venir dans notre belle église et dans nos communautés ce soir.

(**) Joseph Maila est Doyen de la faculté des sciences économiques et sociales de l'institut catholique de Paris et directeur du centre de recherches sur la paix.

 
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