Merci au Père Guibard de sa présentation(*). Je voudrais
vous dire l'honneur et le plaisir que je ressens ce soir, à
être parmi vous dans cette superbe église. Je remercie
aussi Mr Tachon d'avoir organisé avec vous dans le cadre de
la semaine du C.C.F.D. cette réunion de ce soir.
Nous allons parler d'un conflit qui est à la "UNE"
des journaux, qui continue d'ensanglanter le Proche-Orient et qui
se présente dans une relative complexité puisque cette
question israèlo-arabe n'est pas une question neuve mais date
depuis plus d'un siècle. C'est depuis plus d'un siècle
que les peuples de cette région souffrent.
Je voudrais structurer mon exposé de ce soir en trois temps
:D'abord commencer par rappeler les dates importantes qui ont jalonné
depuis plus d'un siècle, ce conflit qui voit des échecs
successifs au dialogue entre Juifs, chrétiens palestiniens,
chrétiens arabes et musulmans de cette région. Dans
un deuxième temps j'aborderai la question de l'état
des lieux, à savoir, au fond où en sommes-nous aujourd'hui
?
Dans un troisième temps j'essaierai d'aller un peu plus loin
et de réfléchir aux conditions nécessaires, me
semble-t-il, pour faire que ce conflit cesse et qu'il y ait un changement
d'attitudes. En effet fondamentalement, en tant que chrétien
et aussi en tant que politologue, je pense que la paix commence dans
les coeurs par un changement dans les esprits. Je suis frappé
de constater combien la paix des diplomates peut échouer quand
elle se heurte à un mur d'incompréhension, à
un mur d'hostilité et que les coeurs n'ont pas évolué.
Quand les esprits n'ont pas évolué la paix sur le papier
a du mal à se faire et quand elle se fait, elle se heurte au
mur des réalités.
1) - Données historiques
Souvent on entend dire "mais entre chrétiens, palestiniens
ou entre Juifs et Arabes, le conflit est ancestral et remonte très
loin dans le temps. Non. Le conflit israèlo-arabe n'est pas
un conflit religieux. Il faut commencer par là. Ce n'est pas
un conflit d'essence religieuse bien que la religion intervienne et
j''espère qu'elle interviendra un jour pour faire avancer ce
conflit dans l'impasse où il se trouve aujourd'hui. Non ce
conflit n'est pas d'essence religieuse, c'est un conflit politique.
C'est un conflit qui s'inscrit dans le surgissement des nationalismes,
dans la volonté des peuples de cette région d'avoir
un Etat à eux. Donc je ne fais pas remonter ce conflit à
Abraham, ni à Moïse, ni au moment de la diaspora quand
les Romains détruisirent Jérusalem. Je fais remonter
ce conflit à 1896. Je l'inscris tout à fait dans le
surgissement d'un nouveau nationalisme qui est le nationalisme juif.
En 1896, Théodore Herzl qui va être le fondateur du Sionisme
écrit un livre qui lui est inspiré par les événements
de l'époque qui s'appelle "l'Etat Juif". Dans ce
livre, constatant l'état et la situation des Juifs, en Europe
notamment, il écrit très franchement : "il n'y
a pas de solution pour le peuple juif, en dehors de la constitution
d'un Etat pour lui dans une région du monde". Je dis bien
"dans une région du monde". A cette époque
Théodore Herzl propose trois lieux propres à l'implantation
de cet Etat Israèlien ;: l'Argentine, l'Ouganda et la Palestine.
Il dit qu'en prenant des contacts avec les puissances de cette époque,
peut-être que les Juifs pourront avoir une région assez
large, une superficie assez grande en Argentine pour construire leur
Etat. Et puis, il dit : "au fond les Anglais aussi sont prêts
à nous donner quelque chose en Ouganda" et enfin il retient
la troisième solution en disant "mais qu'est-ce qui peut
remplacer Jérusalem dans le coeur et dans l'esprit des Juifs
aujourd'hui ? C'est à Jérusalem, c'est autour de Sion,
c'est par le retour à Sion (d'où le nom de sionisme)
que nous pourrons véritablement mobiliser le plus grand nombre
de Juifs pour reconstruire cet Etat. "
On a là affaire à un formidable volontarisme. L'Etat
n'existe pas, la nation juive est dispersée, elle est virtuellement
là, mais il y a des communautés juives, il n'y a pas
de nation juive à proprement parler. Il y a des communautés
juives qui sont disséminées ici et là et la terre
n'est pas là. La Palestine à cette époque-là
dépend d'un vaste empire qui est l'empire ottoman et c'est
une des provinces que gère le sultan ottoman qui est installé
à Constantinople.
Je dis c'est un formidable volontarisme parce que le travail qui va
être fait à partir de ce moment-là consistera
véritablement à proposer l'Etat Juif en Palestine comme
lieu de rassemblement des Juifs, des Juifs qui pour Théodore
Herzl (et il a largement raison) sont persécutés en
Europe. Ce qui est frappant aussi quand on relit le livre de T. Herzl,
c'est de constater l'un des événements qui va le déterminer
à agir. Né en 1860 à Buda, après une enfance
extrêmement aisée, il va se transporter à Vienne
où il va devenir un journaliste célèbre et en
tant que tel il va se trouver à Paris pour couvrir un événement
qui va le marquer profondément, à savoir l'affaire Dreyfus,
la destitution du capitaine et son envoi en exil au bagne.
A partir de ce moment-là, la réflexion de T.Herzl qui
n'arrête pas de retentir pour nous est la suivante : "si
la France qui est la patrie des Droits de l'Homme, le pays où
les Juifs ont été en premier émancipés
, ne peut leur donner la possibilité d'une existence tranquille,
d'une intégration en tant que citoyens alors nous ne l'aurons
nulle part". C'est cette motivation qui va véritablement
le mobiliser et qui va faire que Théodore Herzl né en
1860, mourra en 1904 d'épuisement et de fatigue après
avoir parcouru toutes les nations qui comptent à ce moment-là,
pour essayer de vendre cette idée de la création d'un
Etat Juif en Palestine.
Ce qu'il réussit formidablement, c'est l'année d'après
en 1897, au Congrès de Bâle, de fédérer
l'ensemble des Associations Juives d'accord avec son idée dans
un Congrès National qui est le premier Congrès sioniste
mondial et qui va lancer le Sionisme comme mouvement politique et
comme mouvement nationaliste. Pour comprendre ce nationalisme, il
faut le situer dans son époque. L'époque est favorable
aux nationalismes. Elle l'est pour le nationalisme allemand qui s'est
constitué avec Bismark, elle l'est pour le nationalisme italien
qui vient de faire l'Italie. Et T.Herzl part de cette idée
qu'il y a un peuple juif, il y a une nation juive et il n'y a pas
d'Etat Juif. Tout son problème à partir de 1897, ce
sera de frapper à toutes les portes pour essayer de faire vivre
cette idée et de la réaliser. Et il écrit de
manière prémonitoire à ce moment-là, en
1897 : "Mon entreprise est folle, elle sera jugée folle
par l'ensemble du monde civilisé de l'époque, mais je
suis sûr que dans 50 ans l'Etat Juif verra le jour en Palestine".
C'était en 1897, l'Etat Juif sera proclamé le 15 mai
1948. T.Herzl s'est trompé d'une année.
Effectivement 50 ans après, l'Etat Juif a été
créé. Et pour ce faire, T.Herzl va aller voir, bien
entendu, toutes les capitales qui comptent. La France n'est pas très
réceptive à cette idée. Les Rotchild français
ne sont pas très réceptifs. Il va essayer de voir le
sultan ottoman. L'Empire Ottoman était un empire endetté
et à cette époque-là, on l'appelait l'homme malade.
On ne disait même pas dans les correspondances diplomatiques,
l'empire ottoman. On disait H.M. et tout le monde comprenait ce dont
on voulait parler. Dans une espèce de prémonition de
tout ce que fait le F.M.I. actuellement, T.Herzl dira : si vous voulez
nous donner une parcelle de terre pour cet Etat Juif, nous, nous nous
chargerions auprès des grandes puissances de l'époque
de mettre en avant un plan de retructuration de la dette ottomane.
Le sultan ottoman prête une oreille complaisante au départ
et puis il comprend qu'il y va d'un lieu saint de l'Islam qui est
Jérusalem et il recule en disant "je ne peux pas céder
de cette terre à des infidèles. Je suis garant en tant
que sultan ottoman de la souveraineté ottomane musulmane sur
Jérusalem. Cela va être la réponse du Pape aussi.
T.Herzl nous rapporte son entretien avec Pie X qui disait tout le
temps "non possumus, non possumus"
La nation qui va prêter une oreille complaisante, cela va être
la Grande Bretagne. Elle va s'intéresser à cette idée
pour plusieurs raisons dont l'essentielle est une raison stratégique:
l'empire ottoman est sur le point de s'écrouler et les Anglais
ont des visées sur le Proche-Orient. Ils sont déjà
installés en Egypte où ils ont ravi en quelque sorte
le canal de Suez percé par de Lesseps et donc par les Français.
Ils se partagent les bénéfices avec la France et ils
se disent au fond, cela peut être intéressant d'installer
une population qui leur sera acquise dans cette région, notamment
pour faire pièce aux Français.
En 1914, la guerre commence avec des arrière-pensées
tout à fait explicites de part et d'autre, c'est-à-dire
qu'à partir de ce moment-là tout le monde sait que l'empire
ottoman sera défait. Et il y a trois projets qui se présentent.
Les Anglais qui sont déjà installés dans cette
région vont essayer d'embrigader ses peuples dans leur guerre
contre les Ottomans. Pour ce faire, ils vont promettre aux Arabes
conduits à ce moment-là par l'émir de La Mecque
de leur offrir après la guerre un grand empire arabe qui ira
du Sud de la Turguie aujourd'hui jusqu'à l'Arabie Saoudite.
Les Arabes alléchés par cette proposition, entrent en
guerre, mais les Anglais ont négocié avec eux de manière
tout à fait secrète.
2ème projet tout à fait secret aussi : c'est un projet
qui a lieu entre la France et l'Angleterre. Les Français ont
des visées, et l'Angleterre et la France vont se partager les
dépouilles de l'Empire Ottoman et les Anglais vont dire "très
bien, nous avons dessiné dans le sable de cette région
une ligne frontalière : tout ce qui ira du Sud de la Turquie
jusqu'à Israèl d'aujourd'hui, ce sera une zone d'influence
française et en-dessous, c'est-à-dire Israèl,
l'Egypte, l'Arabie, ce sera une zone d'influence anglaise.Donc les
Anglais ont promis un grand royaume aux Arabes (négociation
secrète); ils ont promis aux Français qu'ils se partageront
la région en deux, donc deux promesses tout à fait contradictoires.
3ème promesse: Les Anglais font la fameuse promesse Balfour
qui date du 2 novembre 1917 et qui dit : le Gouvernement de Sa Majesté
Britannique envisage avec faveur l'établissement d'un foyer
national pour le peuple juif en Palestine. Foyer National, on ne parle
pas d'Etat à cette époque-là.
Donc, trois promesses. Créer un foyer national pour les Juiifs,
se partager l'Empire Ottoman entre la France et l'Angleterre, créer
un grand royaume arabe sous l'autorité d'un chef arabe. La
paix arrive. Qu'est-ce qu'on va appliquer comme projet ? C'est à
Versailles et à Sèvres que vont se faire les négociations
de l'après-guerre et là, les Arabes vont être
les grands vaincus de cette affaire. La France menée par Clemenceau
va dire "écoutez je ne sais pas ce que vous ont promis
les Anglais, moi, je me suis entendu avec eux pour avoir ma zone d'influence,
allez voir les Anglais et voyez ce que les Anglais vous proposent
; en tout cas en ce qui me concerne, je vais occuper ma zone. Effectivement
le Général Gouraud va prendre possession au nom de la
France de ce qui deviendra le Liban et la Syrie.
Les Arabes se retournent vers l'Angleterre en disant "Mais il
faut faire quelque chose". Les Anglais répondent "mais
regardez les Français sont perfides, ils tiennent absolument
à leur morceau du gâteau, il n'y a rien à faire,
je m'excuse, cela ne marche pas." Non seulement cela ne marche
pas, mais on va détacher un peu cette région, on va
la répartir en Etats, mais on ne va pas tout vous donner parce
qu'il y a ce mandat de la Palestine. Nous avons promis au Mouvement
Sioniste Mondial de créer un foyer national pour le peuple
juif.
Donc c'est à partir de ce moment-là, en 1920, que tout
se noue. A partir de 1920, ce mandat de la Palestine qui est une portion
du territoire de ce qu'on appelle la Grande Syrie à cette époque-là
va être détaché, confié par la Société
des Nations, l'ancêtre des Nations Unies à l'Angleterre
pour qu'elle puisse mener les populations qui vivent là jusqu'à
l'indépendance, mais aussi pour permettre aux Juifs d'émigrer
en Palestine et constituer ce foyer national pour le peuple juif.
Mais voyez la contradiction totale : ; un mandat, ce n'est n'est pas
une colonie, c'est une mission qui vous est confiée et l'Angleterre
et la France faisaient des rapports annuels à la Société
des Nations en disant : voilà vous nous avez confié
le mandat sur le Liban, sur la Palestine, voilà ce que nous
avons fait : nous avons créé un Etat, nous avons créé
des tribunaux, nous avons installé le cadastre, nous avons
créé des écoles, donc une mission de civilisation
comme on disait à l'époque pour amener la population
locale à l'indépendance, et en même temps permettre
aux Juifs d'émigrer pour créer ce foyer national du
peuple juif en Palestine. En 1920, il y avait 60000 juifs en Palestine
pour six cent mille palestiniens. En 1948 il y aura 650000 Juifs pour
un million cinq cent mille Palestiniens. Donc la politique d'immigration
qui se met en place à partir de 1920 permettra progressivement
aux Juifs du monde entier de se rendre régulièrement
en Palestine, de 1920 à 1948.
Cette période de 1920 à 1948 est dramatique parce que
c'est une tension continuelle. Quand les populations arabes sur place
voient arriver les immigrants juifs sur les bateaux, ils protestent,
ils font la grève, il y a des heurts, il y a des morts et les
Anglais ont peur. Les Anglais ferment le robinet de l'immigration.
Et puis, les événements se passent mal en Europe : Hitler
est au pouvoir en 1933 et de nouveau le mouvement sioniste, les associations
juives dans le monde entier poussent en disant "attention, la
Palestine peut être un refuge pour nous ! Ouvrez les portes
de l'immigration ! Et les Anglais vont jouer à ce jeu de bascule
jusqu'en 1947 où ils ne pourront plus tenir la situation en
main. Les populations sont radicalisées. Les Juifs sont là
et sont devenus une petite minorité, les Arabes sont sur place
et refusent de plus en plus la présence et l'arrivée
de Juifs du monde entier.
En 1944-45, on a découvert l'horreur de la Shoah, la misère
de cette extermination sans nom et le monde entier est ému
et on ne comprend pas comment les Anglais n'ouvrent pas les portes
de la Palestine vers cet afflux de Juifs qui viennent non pas de cités,
mais des camps d'extermination où ils ont échappé
à la mort. C'est le fameux épisode de l'Exodus où
le bateau arrive en rade de Haïffa et les Anglais disent "non"
parce qu'ils savent qu'ils ne peuvent plus gérer cet afflux
massif. Le monde entier bien entendu s'émeut et la situation
devient intenable. C'est là où les Anglais jettent l'éponge
et disent à l'O.N.U. "voilà vous nous aviez confié
cette mission en 1920, nous n'arrivons plus à gérer
la situation, nous partons. Nous partons quoi qu'il arrive, le 15
mai 1948. "
L'O.N.U se saisit de la question et le 29 novembre 1947 la résolution
181 des Nations Unies est votée. Elle est votée en préconisant
la partition de la Palestine qui sera divisée en deux Etats.
En apprenant cette résolution, les Arabes s'enfuient, ils ne
comprennent pas pourquoi ils devraient partager un pays qui, il y
a 20 ans était à eux, avec 600000 Juifs qui sont là.
C'est une erreur, une erreur politique, stratégique fondamentale.
Et les Juifs acceptent en pensant que le moindre mètre carré
qui leur est donné est bon à prendre.
Aujourd'hui c'est une inversion stratégique totale qui se fait.
Aujourd'hui les Palestiniens sont demandeurs du moindre mètre
carré où ils peuvent planter un drapeau et dire "voilà,
ça c'est le point de départ pour un futur Etat".
Les Juifs de Palestine voient juste à ce moment-là et
disent : "nous voulons toute la Palestine, nous ne l'aurons pas,
on nous propose 35% du territoire palestinien, nous le prendrons et
peut-être que avec le temps nous en aurons un peu plus".
Les Arabes, eux, se braquent dans un refus total.
Le 15 mai 1948, la guerre éclate et vous savez qu'à
partir de là, ce sont des guerres qui vont avoir lieu, 48,
66, 67, 73, la guerre du Liban de 1982, donc une succession de guerres,
une succession de malheurs. C'est toute la région qui flambe.
Le conflit n'est plus limité aux Israèliens et aux Palestiniens.
C'est le monde arabe tout entier qui prend fait et cause, c'est-à-dire,
les pays arabes de la région et bientôt l'ensemble des
pays qui appartiennent à ce qu'on appelle la ligue arabe qui
est fondée le 22 mars 1945 et qui aujourd'hui compte 23 Etats,
y compris l'Etat de Palestine, donc 22 Etats et un Etat virtuel qui
a son siège à la ligue arabe. C'est toute la région
qui flambe. C'est la guerre froide (1947-48). Il y a une course entre
Truman et Staline pour reconnaître l'Etat Juif parce que Staline
fait ce pari un peu fou de considérer que les Juifs sont portés
par les kibboutz par une économie socialiste solidaire et Truman
a besoin de cet électorat important et il a besoin aussi d'une
population qui est naturellement tournée vers l'Occident et
c'est à qui reconnaîtra le premier l'Etat d'Israèl.
On sait que Staline va devancer Truman de trois minutes. Le télégramme
de reconnaissance soviétique arrivera en premier.
Israèl s'installe. Mais quelle est la conséquence la
plus dramatique, la plus tragique ? C'est bien entendu la création
d'une diaspora.qui est la diaspora palestinienne. Il y a une diaspora
qui revient, qui potentiellement peut revenir. Et à partir
de 1950 la KNESSET vote une loi, la loi du retour qui donne droit
à n'importe quel Juif pourvu qu'il puisse faire état
de son ascendance juive, de revenir en Israèl à n'importe
quel moment et d'avoir la nationalité israèlienne immédiatement.
Il faut se souvenir de ce droit au retour parce que les Palestiniens
demandent la même chose aujourd'hui. Aujourd'hui qu'ils sont
constitués en diaspora, c'est la même demande qu'ils
sont en train de mettre en avant.
A ce moment-là il y a 700 ou 800 mille palestiniens qui quittent
la Palestine. Ils vont aller grossir la population palestinienne de
Cisjordanie, ils vont aller du côté de Gaza, ils vont
aller en Jordanie, ils vont se disperser dans les différents
pays de la région, le Liban, la Syrie. Aujourd'hui, il y a
près de six millions de Palestiniens, un million à Gaza,
un million deux en Cisjordanie, le reste est disséminé
un peu partout dans le monde arabe. La population d'Israèl
est de six millions dont cinq millions cent mille sont juifs et il
y a 900000 arabes, des arabes qui ne sont pas partis de Palestine
en 1948, qui sont restés sur place, qui sont devenus citoyens
d'Israèl, qui ont le passeport, la nationalité israèlienne
mais qui sont les descendants de ces Palestiniens qui sont partis
en majorité en 1948.
Donc un problème qu'on ne voit pas à cette époque-là,
dont on ne soupçonne pas le potentiel révolutionnaire
et de revendication qui va croupir dans les camps de réfugiés
avec des responsabilités partagées. Les Palestiniens
pensent qu'ils vont revenir bientôt, que les Arabes feront la
guerre. Les pays arabes avoisinants qui les accueillent à ce
moment-là ne sont pas disposés à les voir s'installer
dans le pays. Donc ils restent dans cet état d'entre-deux,
de misère, sans citoyenneté, sans nationalité,
précaire parce que, pensent-ils, demain, nous rentrerons, c'est
le leitmotiv de la population juive pendant deux millénaires.
"Demain à Jérusalem".
Les Palestiniens élèvent un peu la même prière
en pensant qu'ils pourront retourner aussi à Jérusalem.
Cet état de misère et de précarité est
un état tout à fait provisoire.dans leur esprit. Mais
entre temps on va susciter, nourrir la revendication, nourrir la haine
aux portes d'Israèl et l'ONU va voter une résolution
qui est un peu l'équivalent du droit au retour. Par une résolution
de décembre 1948, la résolution 194, qu'Arafat réclame
aujourd'hui, il est dit que "les Palestiniens ont un droit à
retourner dans leur pays ou à avoir une juste indemnisation.
Aujourd'hui Arafat se bat pour cette résolution 194 qui est
l'équivalent de la loi du retour pour les Juifs.
Le décor est planté. A partir de ce moment-là
on peut parler de l'Etat d'Israèl, à partir du 15 mai
1948, mais un état qui vit mal dans sa région, qui n'y
est pas accepté, des Arabes qui rêvent de détruire
Israèl, une absence totale de reconnaissance, une méconnaissance.
Les Juifs installés en Palestine ont constitué un corps
étranger au coeur de la nation arabe, disent les Arabes, pour
les plus fanatisés au coeur de l'Islam. Les Israèliens
se constituent aussi en forteresse :"nous sommes attaqués,
disent-ils. D'où la formidable expansion militaire de l'Etat
d'Israèl qui, dans cette région, est un état
qui a la bombe atomique. On estime à 200 ou 250 têtes
nucléaires les têtes atomiques que possède l'Etat
d'Israèl dans cette usine construite grâce à l'aide
française à partir de 1956.
A cette époque-là, il y avait un jeune ministre de la
recherche qui s'appelait Simon Perez et qui est venu discuter avec
les socialistes français, à l'époque au pouvoir,
de cette première installation de la Centrale nucléaire
de Dimona. Le contexte est une époque de guerre froide. Donc
Israèl devient véritablement une tête de pont
occidental et une tête de pont américain dans un monde
arabe qui regarde plutôt du côté du socialisme
et de l'Union Soviétique. Le conflit est totalement gelé.
Il faudra attendre la guerre de 67 pour voir les premiers mouvements
de guerillas palestiniens se constituer. Mais se constituer à
partir de quoi ? A partir de deux états qui sont l'Etat de
Jordanie et l'Etat du Liban puisque Israèl est limitrophe de
ces deux états si on exclut la Syrie. Le roi Hussein de Jordanie
n'admettra pas que la guerilla palestinienne lance des attaques à
partir de la Jordanie et les Palestiniens avec armes et bagages vont
se transporter au Liban.
Le Liban est un Etat faible, divisé entre chrétiens
et musulmans. Ils vont s'insinuer dans ces divisions, travailler sur
ces divisions et faire éclater le pays et à partir de
là s'installer aux frontières du Liban-Sud et attaquer
Israèl. Mais vous connaissez la riposte israèlienne
de 1982 où un certain général, le Général
Sharon qui est aujourd'hui premier ministre de l'Etat d'Israèl,
conduit une guerre formidable. Ce sera la première fois dans
l'histoire des guerres israèlo-arabes qu'une armée israèlienne
entrera dans une capitale arabe et encerclera Beyrouth avec ce tragique
événement de Chabrat et Chatila et le massacre des Palestiniens
qui s'ensuivra.
Voilà donc cet événement important de la diaspora
palestinenne qui se constitue en 1948 et un deuxième événement,
la guerre de 67 qui va permettre la réunification de Jérusalem.
Au lendemain de la guerre de 1948, Jérusalem est divisé
en deux et en 1967, Israèl parvient à conquérir
le Golan syrien, la Cisjordanie dans laquelle il se trouve aujourd'hui
et le territoire de Gaza et Jérusalem est unifié. Les
Israèliens entrent dans Jérusalem-Est, là où
se trouve l'esplanade des mosquées qui est en réalité
le mont du Temple d'où la dispute continuelle sur des symboles
importants pour les deux religions. Israèl s'installe à
partir de ce moment-là et déclare Jérusalem capitale
éternelle du peuple juif. C'est une loi votée par la
KNESSET, l'Assemblée Natiolnale Israèlienne qui le déclare.
Ces événements tragiques vont à partir de 1967,
ajouter encore au malheur des Palestiniens puisqu'ils vont fuir l'avance
Israèlienne à Jérusalem et en Cisjordanie et
vont se réfugier au Liban et surtout essentiellement en Jordanie.
Il faudra attendre la guerre du Golfe en 1990 pour voir se débloquer
le conflit Israèlo-Arabe. A partir de là on se prend
à rêver. Après des décennies de guerre,
après une guerilla qui a ensanglanté Israèl et
les pays arabes, qui est à l'origine directe du conflit au
Liban, après les attaques terroristes de Palestiniens, les
contre-attaques terribles des Israèliens, on se dit que l'Union
Soviétique ayant disparu, les Etats-Unis étant véritablement
la seule puissance dans cette région qui à la fois a
l'appui des grands pays arabes qui comptent l'Egypte et l'Arabie Saoudite,
et celui d'Israèl, on se dit que le médiateur américain
pourra jouer un rôle important. Et à partir de la fin
de la guerre du Golfe se met en place la fameuse conférence
de Madrid, le 30 octobre 1991 où pour la première fois
les délégations vont venir et vont commencer à
parler et à discuter entre elles.
...
(*) Présentation par Philippe Guibard
En qualité de curé de la paroisse Saint Germain de
Chatenay-Malabry et du CCFD local représenté par Jean
Tachon, je suis heureux d'accueillir Mr Joseph Maïla. Pour ma
part j'ai eu la chance de l'entendre d'abord chez nos frères
réformés de Bois-Colombes, il y a 15 ans au moins. Je
l'ai eu aussi comme professeur au Centre Sèvres où il
donnait un cours sur la violence en politique et je crois qu'il est
tout à fait apte à nous parler du sujet de ce soir.
Mr J. Maïla est actuellement doyen de la Faculté des Sciences
Sociales de l'Institut Catholique de Paris. Il a également
enseigné à l'Université Saint-Joseph de Beyrouth
puisqu'il est libanais d'origine et de coeur et il a fait ses études
secondaires et universitaires au Liban qu'il a quitté il y
a un certain nombre d'années. Il a fondé l'Institut
de Recherche pour la Paix et il est membre du Comité de Rédaction
des Etudes. Il a écrit de nombreux articles dont vous trouverez
la liste sur Internet en recherchant à Joseph Maïla. Je
vous cite tous ces titres parce qu'ils vous disent la qualité
de celui qui va nous parler ce soir et la chance que nous avons de
l'avoir comme conférencier. Le Père Calvez, jésuite,
me disait "vous avez pu avoir Joseph Maïla !" En votre
nom, je le remercie très chaleureusement d'avoir accepté
de venir dans notre belle église et dans nos communautés
ce soir.
(**) Joseph Maila est Doyen de la faculté des sciences économiques
et sociales de l'institut catholique de Paris et directeur du centre
de recherches sur la paix.