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Conférences 2001

 
 
Israèliens et Palestiniens : entre la peur et la paix
 
 
Conférence de Mr Joseph MAILA
 
 
24 mars 2001 
 
     
 
 

Autour de cette conférence, voir aussi:
- Début de la conférence ( données historiques)
- Le débat à la suite de cette conférence

Etat des lieux
Il y a eu une lente évolution des mentalités de part et d'autre en Israèl et dans les pays arabes qui fait que dans les années qui vont précéder cette guerre du Golfe les mentalités ont évolué. Yasser Arafat était venu en 1989 voir le Président Mitterand et avait déclaré sur le perron de l'Elysée que la charte des palestiniens votée en 1974 était caduque. On commençait à sentir que les Palestiniens se disaient que cette stratégie de l'opposition absolue n'était plus payante. Ils étaient portés par un formidable espoir. Les Palestiniens des camps, ceux de Gaza s'étaient révoltés. C'était des jeunes, 10-15 ans, qui ne connaissaient rien à l'histoire de leur pays. Il faut se représenter Gaza. Gaza c'est 260 kilomètres carrés qui sont pris entre mer et désert et qui sont entourés de barbelés. Il n'y a rien à Gaza. Il n'y a pas de pétrole. Il n'y a que du sable. Et là vous avez des camps palestiniens où sont nés des jeunes dans les années 70 ou 75, et qui avaient 10-12 ans au moment de la première révolte des pierres et qui n'en peuvent plus, qui ne voient plus d'horizon, qui n'ont pas d'avenir et qui se révoltent. Et Arafat comprend qu'il y a une carte à jouer là et qu'il y a véritablement une revendication populaire qu'il faut porter à sa maturité politique.et l'idée de la caducité de la charte commence à faire son chemin.
En Israèl le camp de la paix se constitue ausssi, un camp qui demande le retrait de l'armée israèlienne des territoires de Cisjordanie et de Gaza. De graades questions se posent avec du réalisme politique et une volonté profonde de faire la paix, de faire taire les armes, une fois pour toutes. La guerre du Golfe arrive dans ce contexte et il est facile à ce moment-là de s'installer autour d'une table et de commencer à négocier.
Et la négociation est formidable puisque le 13 septembre 1993 les fameux accords dits d'Oslo vont être signés. Et il faut saluer ces accords qui sont une percée extraordinaire. Ils ont été contestés de part et d'autre par les faucons Israèliens mais par beaucoup de Palestiniens aussi. Quand vous jetez un coup d'oeil sur ces accords d'Oslo, il y a quelque chose de formidable ; il y a la reconnaissance pour la première fois par les Palestiniens de l'Etat d'Israèl.
Depuis il y a eu des déclarations, mais là officiellement dans un texte écrit, avalisé par les Nations Unies, par le médiateur américain et signé solennellement à Washington, le13 septembre 1993, les Palestiniens disent "nous reconnaissons l'Etat d'Israèl. Et à quoi s'engagent les Israèliens en contre-partie ? Ils disent "nous reconnaissons l'O.L.P. comme le représentant du peuple palestinien. C'est là où la contestation va surgir dans le camp d'Arafat en disant "tu as abandonné une carte maîtresse là, nous reconnaissons l'Etat d'Israèl, mais l'Etat d'Israèl ne nous reconnaît pas en tant qu'Etat". La reconnaissance est dissymétrique. Elle n'est pas équilibrée. Arafat joue pourtant là-dessus parce qu'il est entré finalement dans la seule logique possible à cette époque-là. Israèl étant véritablement un Etat fort et qui a l'appui des Etats-Unis, au fond Arafat est entré dans une logique de reconnaissance graduelle.
Jusque-là les Palestiniens se refusaient à reconnaître Israèl et déclaraient cet Etat Sioniste usurpateur et n'utilisaient même pas le terme d'Etat. Ils disaient l'entité sioniste. La censure était tellement forte que dans les dictionnaires qui arrivaient aux pays arabes vous ne pouviez pas consulter le terme Israèl, vous ne l'aviez pas parce que la censure offficielle arrachait les pages. Donc il faut saluer véritablement cette reconnaissance même si du point de vue palestinien, les Palestiniens n'avaient pas tout à cette époque.
Je me souviens d'un intellectuel palestinien de renom qui est toujours en place, Edouard Saïd, qui disait à Arafat "tu es un traître !" - "Et pourquoi ?" - "Parce que je te compare à Mandella. Mandella a accepté de sortir de prison une fois qu'il a eu l'assurance que l'Apartheid serait démantelé. Il n'est pas sorti en attendant de discuter pour qu'un jour on bannisse l'Apartheid. Là tu es en train d'accepter de nous enfermer dans un bantoustan, parce que les Israèliens veulent créer un bantoustan palestinien dans une région qui sera contrôlée peu ou prou par Israèl". Arafat a accepté ce pari. Il est en train de le perdre si on veut véritablement s'arrêter à la photographie que nous renvoie aujourd'hui l'actualité.
Arafat entre dans ce pari qui à la fois comporte cette reconnaissance dissymétrique et aussi une logique de paix probatoire. Parce que les Israèliens entrent dans une logique de consensus, de compromis et d'avance graduée vers la paix. On ne dit pas "un Etat Palestinien naîtra demain". On dit la chose suivante "Nous allons progresser lentement vers la paix. Quand les Palestiniens feront un premier pas vers nous, nous, nous allons faire un pas vers eux et nous allons nous retirer de 5% de la Cisjordanie et de 10% de Gaza. Puis nous allons reprendre la discussion. Et puis peut-être que nous donnerons aux Palestiniens le droit d'avoir un drapeau. Et puis, ils auront peut-être leurs timbres-poste et ensuite on créera une route dont on confiera le contrôle aux Palestiniens. Donc Israèl concède la paix mais en la saucissonnant au fur et à mesure qu'ils testent la bonne volonté des Palestiniens. C'est pour cela qu'on peut parler véritablement d'une paix probatoire. Et c'est une paix pathétique parce qu'Israèl est le maître de l'agenda. Et les Palestiniens sont les maîtres du symbole. Lorsque les Palestiniens ont pu créer un petit drapeau et l'installer sur un poste-frontière, ils l'ont fait, lorsqu'ils ont pu avoir un aéroport et dire "aéroport de l'autorité palestinienne", ils l'ont fait. Ils sont à la recherche de tous les symboles d'un Etat qui n'existe pas. Ce sont les symboles d'un Etat à venir.
Et en face, vous avez Israèl qui, lui, est le maître de l'agenda. Lorsque les Palestiniens ne pratiquent pas une politique d'ouverture ou ne vont pas assez vite dans la reconnaissance d'Israèl ou n'arrivent pas à contrôler des attentats qui se font contre Israèl, Israèl décide de suspendre le processus de paix. Et on est dans ce processus depuis 1993.

Qu'est-ce qui explique cette paix qui ne marche pas ?
C'est que les Israèliens sont juge et partie dans cette affaire. Les Etats-Unis, eux aussi, sont juge et partie. Ils ne sont pas neutres. Ce n'est pas l'ONU qu'on a choisi pour arbitrer ce conflit. Les Etats-Unis ont débloqué le conflit, d'une certaine façon. Ils ont fait en sorte que les Palestiniens puissent venir et s'installer. Ils ont été les garants des uns et des autres. Mais quand il y a une dispute sur une question importante, le camp américain est déjà choisi. Il est là. On l'a vu encore dans la visite que Mr Sharon est en train d'entreprendre aux Etats-Unis aujourd'hui. Les Etats-Unis disent "nous n'avons pas l'intention de nous impliquer dans ce conflit outre mesure. C'est à vous de vous entendre". La neutralité supposée dans un conflit comme celui-là joue à l'avantage du plus fort. C'est bien entendu les Israèliens qui vont dire "écoutez les Etats-Unis ne vont pas faire pression sur nous et c'est à vous Palestiniens de venir vers nous pour voir un peu comment nous allons débloquer cette situation. Mais nous avons des conditions. "
Donc on se trouve dans une logique de reconnaissance dissymétrique, dans une paix qu'on peut appeler probatoire et le troisième point sur lequel bloque le processus c'est que les questions fondamentales de la paix ont été laissées pour la fin. On s'est dit "nous aurons le temps de nous connaître, nous allons nous fréquenter pendant sept ou huit ans et quand on se fera confiance et qu'on se connaîtra suffisamment, nous allons nous installer pour discuter des choses qui fâchent. Il a a quatre choses qui fâchent.
1° Un Etat.
Il n'est nullement dit dans les accords d'Oslo que les Palestiniens devront avoir un Etat. Or les Palestiniens acceptent de discuter avec les Israèliens dans l'espoir et dans la volonté d'avoir un Etat comme les autres. Oui, un Etat, disent les Israèliens, mais pas comme les autres. Un Etat, mais il faudra qu'on voie si vous aurez une armée. Le contrôle des ports, essentiellement à Gaza, c'est nous qui allons le faire. Et sur votre frontière orientale, là où la Cisjordanie jouxte la Jordanie, entre les Palestiniens et les Jordaniens, nous allons installer une armée Israèlienne parce que éventuellement il pourrait y avoir des trafics d'armes. Donc, un Etat, oui ; comme les autres, non. Mais sur ce principe de l'Etat, rien n'a encore été décidé.
2° Il y a des colonies de peuplement.
Depuis 1967 ; les Israèliens se sont installés en Jordanie et à Gaza. Il y a aujourd'hui 145 colonies de peuplement qui totalisent 200000 colons israèliens dont 180000 en Cisjordanie. 180000 colons israèliens en Cisjordanie pour une population palestinienne d'un million deux cents mille avec des cas dramatiques comme le cas d'Hébron. A Hébron, il y a une trentaine de familles qui sont installées dans ce qu'on peut appeler le quartier juif. Il y a à peu près huit cents soldats qui les protègent et une population à Hébron de 140000 habitants qui sont autour. On peut se demander quel peut être l'avenir de ces colonies de peuplement. Pour le moment c'est un point de friction très important.. En parlant des colonies de peuplement, j'exclus Jérusalem.
3° Jérusalem constitue la pierre de discorde.
Aujourd'hui les Israèliens ont créé véritablement un fait accompli à Jérusalem. En unifiant les deux parties de Jérusalem depuis 1967 et en pratiquant une politique de peuplement, les Israèliens sont aujourd'hui majoritaires à Jérusalem. Il y a 600000 habitants à Jérusalem. Il y a à peu près 425000 Israèliens, le reste étant des Palestiniens arabes chrétiens ou musulmans. Ce qui est encore plus dramatique dans cette évolution démographique, c'est que dans la partie Est de Jérusalem, donc dans la partie arabe, aujourd'hui les Israèliens sont majoritaires. Alors qu'est-ce qu'on fait de Jérusalem ? Lieu hautement symbolique mais aussi envisagé par les Palestiniens comme la capitale du futur Etat de Palestine. La question est très importante. Elle divise. C'est une question impossible à résoudre sur laquelle les Palestiniens n'entendent pas faire de concession. A supposer que Jérusalem comme aujourd'hui reste israèlienne, est-ce que sur le mont du Temple, est-ce que sur l'esplanade des mosquées, la souveraineté sera palestinienne. Oui, disent les Israèliens, ce sera un droit de police, un droit de contrôle mais pas de souveraineté politique encore.
4° Les réfugiés.
Qu'est-ce qu'on fait des réfugiés ? S'il y a un Etat palestinien qui est créé, il s'installera en Cisjordanie et à Gaza. Et alors que fait-on des Palestiniens du Liban, que fait-on des Palestiniens de Syrie, d'Irak, de ceux qui sont allés au Canada ? Là aussi les discussions ont avancé pas mal. Les Palestiniens ne veulent pas renoncer au droit du retour. Mr Clinton avait demandé à Arafat d'abandonner ce droit au retour. Arafat s'est cabré sur ce point. Aujourd'hui il y a des discussions en vue d'un compromis qui tournent autour de la chose suivante : oui, droit au retour que pourra exercer n'importe quel palestinien sur le plan des principes, mais ce droit au retour sera soumis à des considérations d'ordre pratique parce que l'Etat palestinien ne peut pas absorber l'ensemble des Palestiniens du monde entier. Il y a une reconnaissance du principe et une limitation du principe sur un plan pratique, mais les Palestiniens se batttent pour avoir la reconnaissance du principe du droit au retour. Tout cela est bloqué depuis le 27 septembre dernier lorsque Ariel Sharon qui n'était pas encore premier ministre, allant se promener sur l'esplanade des mosquées a provoqué la colère formidable de l'intifada.
Il ne faut pas condamner Ariel Sharon. Il faut croire que les hommes peuvent changer. J'ai vu plusieurs émissions dans lesquelles Ariel Sharon disait : j'ai changé, ce n'est pas maintenant que je vais conduire une nouvelle guerre, il faut que nous aboutissions à la paix. Il ne faut pas condamner l'homme à priori.
Situation bloquée actuellement. Ce qui est dramatique c'est qu'on s'était donné six ans, sept ans, en principe jusqu'au 4 mai 1999 pour que tout se termine. Or nous sommes en mars 2001 et tout est à faire. Et tout est à refaire. Parce que en six ans de fréquentation mutuelle, on a abouti au contraire de l'objectif proposé au départ. Aujourd'hui Palestiniens et Israèliens se détestent plus qu'avant. Le camp de la paix en Israèl a disparu. Les colombes travaillistes et les faucons sont aujourd'hui dans le même gouvernement. Tout le monde est d'accord aujourd'hui pour jouer sur la sécurité et ne pas discuter avant que la sécurité ne soit rétablie.
Que dire enfin de Yasser Arafat dont l'autorité est battue en brèche. Elle est battue en brèche d'abord par son propre camp puisque son expérience a été lamentable sur le plan d'une constitution de l'autorité palestinienne. Une autorité palestinienne qui n'a plus d'argent aujourd'hui pour payer les Palestiniens. Ils sont soumis au blocus d'Israèl. Il y a 125000 Palestiniens qui travaillent en Israèlet qui sont le soutien économique de près d'un million 500000 Palestiniens. Ces derniers vivent de ce travail en Israèl et Israèl a bloqué les territoires. Le chômage a atteint des taux de 40%. L'Etat palestinien ne peut pas payer ses fonctionnaires parce que les Israèliens qui perçoivent les taxes à l'exportation des produits qui viennent de la Palestine ne rendrent pas ces taxes à l'autorité palestinienne. Qu'est-ce qui paye dans tout cela ? La paix est américaine mais le bailleur de fonds est Européen. Ce sont les Européens qui ont promis 600 millions de dollars à l'Etat palestinien pour qu'il puisse payer ses fonctionnaires et qui ont été fidèles à leur parole. Et l'Europe n'a pas son mot à dire. La politique est américaine. Voilà la situation qui prévaut aujourd'hui.

Je conclus sur trois points.
On peut constater la séparation entre le processus diplomatique et l'évolution des esprits. Sur le plan diplomatique le processus de paix continue. C'est le processus qui continue, on ne sait pas s'il conduit à la paix. La diplomatie n'est pas la chose la plus importante pour faire la paix. C'est le changement d'attitude. Et le changement d'attitude ne s'est pas fait. Il ne s'est pas fait sur des points symboliquement importants. Reconnaître un Etat à l'autre, ce n'est pas lui concéder un droit, ce n'est pas faire un compromis. Ce n'est rien lui concéder, c'est reconnaître ses droits. Tout homme a droit à la liberté. Tout homme a droit à un Etat. Donc on fait du marchandage, mais finalement cette attitude qui consiste à dire "si vous êtes sages, vous aurez un Etat", est incompréhensible. "Si vous êtes sages, vous aurez droit au retour". Non. Fondamentalement, ce n'est pas un droit qu'on concède, c'est un droit qu'on reconnaît et la reconnaissance des droits, ce n'est pas la politique qui la fait, cela vient de la reconnaissance de l'autre.
Il y a un deuxième point qui me frappe beaucoup quand je vois le conflit israèlo-palestinien. C'est comment revisiter des mémoires blessées. Le poids de la mémoire. Le poids des morts qui pèsent sur le cerveau des vivants. Et il faut comprendre dans cette région. Une région où plane au-dessus des Israèliens le malheur de la Shoah. Et pour les Palestiniens il y a le désespoir de l'exil dans une région où créer un autre Etat, c'est exclure une population. C'est un moucuoir de poche. La palestine, c'est 27000 kilomètres carrés. Israèl c'est 20000 kilomètres carrés. Un petit ou un grand département français. Tout cela se joue véritablement entre mer et désert. Donc revisiter cette mémoire, c'est comprendre que lorsque les peuples de cette région discutent, ils discutent avec la peur de ne pas survivre à la paix qu'ils font, la peur de disparaître. Ce ne sont mas les chrétiens libanais qui me démentiront, eux qui ont été massacrés. Pensez aux Arméniens de cette région ! Perdre dans cette région c'est disparaître. Donc discuter au fond, ce n'est pas aboutir à un compromis, c'est essayer de garantir les chances de sa survie. Donc revisiter ces mémoires, c'est les comprendre, c'est essayer d'éduquer à la paix, c'est prendre en compte les besoins de l'autre, l'insécurité fondamentale de l'autre. C'est là où l'arrêt du processus de paix est tragique parce qu'il s'est arrêté à cause d'une trop grande méconnaissance. On est passé d'une non-reconnaissance à une méconnaissance dans laquelle nous sommes aujourd'hui.
Agir pour la paix, c'est beaucoup agir pour rapprocher les sociétés, décloisonner les espaces. On est en train de construire des murs, on est en train de construire des corridors. Décloisonner les espaces, c'est faire vivre deux peuples qui ont des niveaux de développement inégaux. Israèl c'est la Suède, la Palestine c'est le Bangladesh au plan du revenu national par tête d'habitant. Comment peut-on faire vivre ces deux populations ? Israèl c'est une des grandes régions où il y a des créations sur le plan de la technologie informatique. Et en face, vous avez des gens qui vivent de la culture de l'olivier et qui ont des boeufs encore pour labourer des champs rocailleux. Il faut décloisonner les espaces, il faut rapprocher les sociétés, il faut gérer le pluralisme dans une région où les droits de Dieu sont en train de l'emporter sur les droits de l'homme. Les droits de Dieu c'est-à-dire les droits exclusifs que revendique un peuple au nom de son rapport à Dieu. Dieu annexé en quelque sorte par les conflits des hommes que ce soit pour les mouvements fondamentalistes juifs ou pour les mouvements fondamentalistes musulmans. Je pense que c'est là que le dialogue religieux peut intervenir pour couper cette jonction qui est faite entre le Dieu des conflits qui est un Dieu de violence et de vengeance et cette idée fondamentale qu'étant tous les fils de Dieu, nous situant tous dans la lignée d'Abraham il y aurait quand même à nous réconcilier entre nous pour nous réconcilier aussi avec Dieu.

Débats autour de cette conférence:

Question : J.Maïla nous a rappelé avec juste raison que le conflit Israèlo-Arabo n'était pas un conflit religieux mais politique. Mais en même temps il me semble que dans ce conflit on ne peut pas oublier l'aspect religieux, car le politique et le religieux sont très mêlés. Il y a un mois, étant à Jérusalem au cours d'un repas je discutais avec un journaliste juif qui avait affirmé son athéisme. Lorsque nous avons parlé du droit au retour, il nous a dit "Mais de toute façon, c'est Dieu qui nous a donné cette terre !" Alors on lui répond "mais tout à l'heure vous nous avez dit que vous étiez athée !" Il nous a tout de suite répondu "mais ça n'a rien à voir"
Réponse : Vous posez une question qui est un vrai casse-tête. C'est vrai que le Dieu des croyants n'est pas le Dieu des athées et dans cette perspective, je voudrais tenter une réponse. Quand on dit que ce n'est pas une guerre de religion, on dit que ce n'est pas une guerre de conversion. Il ne s'agit pas pour les uns de faire la guerre au nom de Dieu pour convertir les autres à la vraie religion.
Mais c'est vrai que la religion est convoquée, elle est appelée. Elle sert de fondement à une culture. Il y a chez les Israèliens et chez les Palestiniens notamment les Palestiniens musulmans, des mouvements intégristes qui font appel à Dieu et qui pensent qu'il y a une politique qui peut être tirée de l'Ecriture. La Bible, le Coran nous donnent des éléments pour répondre, pour organiser notre société. On constate qu'à un moment donné Dieu est convoqué dans les conflits parce que la religion apparaît comme un élément fondamental non pas de la croyance mais de la culture politique. C'est vrai qu'il est difficile de se définir uif en dehors de la culture de la Bible, même quand on est athée. Et c'est vrai que le Coran joue un rôle fondamental dans la vie des socités et qu'un musulman athée ne peut pas mettre entre parenthèses la structuration de la vie sociale par des règles de la charia coranique. Il est difficile de faire la séparation.
Mais la question qui se pose pour nous et ausssi pour eux c'est de savoir ce qu'on fait de Dieu, ce qu'on fait de la religion. En Irlande du Nord quelqu'un est arrêté à un barrage et le milicien lui dit "est-ce que vous êtes catholique ou protestant. C'est fondamental parce que si on tombe sur le mauvais barrage on peut être tué. La personne arrêtée répond "Mais écoutez, c'est simple, moi je suis athée !" Et le milicien en faction lui dit "Mais vous êtes athée catholique, ou athée protestant ? C'est là où on voit la religion servir de critère de différentiation. On ne vous demande pas ce que vous croyez, à la limite on ne s'intéresse pas à votre religion, mais on veut savoir dans quelle catégorie vous mettre. Dans certaines sociétés, le lien national étant tellement faible c'est le lien religieux qui vient se substituer au lien national comme lien de solidarité. Quand on a un lien national très fort, on peut en quelque sorte rétrogader et faire du religieux une affare privée un peu comme dans le cas de l'Etat laïque en France. Mais quand le lien de solidarité nationale est faible, c'est soit la famille, soit le clan, soit la religion qui deviennent déterminant de l'identité et la religion.
Question sur la place des autres pays arabes du Moyen Orient
Réponse :Lorsque le conflit israèlo-arabe se noue, tous les états de la ligue arabe se déclarent solidaires des Palestiniens et tous les états arabes se liguent contre Israèl. Le premier qui casse cette alliance contre Israèl, c'est l'Egypte lors de la signature de camp David le 26 mars 1979. C'est un moment extraordinaire et extrêmement émouvant dans la réconciliation qui n'est pas compris. Il y a une théorie américaine que je ne partage pas du tout qui dit qu'il faut intervenir dans les conflits lorsqu'ils sont mûrs. A ce moment on intervient parce que là, il y a une possibilité de faire la paix.
Mais qu'est-ce que cela veut dire un conflit suffisamment mûr ? Ce la veut dire que les gens se sont suffisamment battus, ont suffisamment eu de morts, ont suffisamment pleuré pour décider qu'il faut mettre fin à la guerre.. Je ne suis pas partisan de cette théorie, je pense qu'au coeur des violences, il y a toujours une place pour une parole prophétique. Sadate, le président égyptien a eu une parole prophétique à ce moment-là. Il en est mort. Parce que la population n'acceptait pas que le président de la plus grande nation arabe puisse faire ce geste. Il a été assassiné en grande partie pour cela et son peuple ne l'a pas pleuré. Il est mort dans le mépris. L'histoire le reconnaîtra probablement comme un pionnier. Mais à partir de ce moment-là l'Egypte est en quelque sorte exclue du champ de bataille et c'est fondamental pour l'équilibre des forces parce que sans l'Egypte, il n'y a pas de guerre possible contre Israèl. En 82, Israèl entre au Liban. Personne ne bouge.Le plus grand Etat qui aurait pu faire la guerre contre Israèl ne le pouvait pas. Il était en paix avec Israèl.
Il y a un aspect relation avec l'environnement arabe et il y a un aspect relation avec les Palestiniens. Le dilemne est le suivant : faut-il faire la paix avec les Etats arabes d'abord au détriment de la paix avec les Palestiniens ou faut-il attendre de résoudre le conflit entre Israèl et les Palestiniens ? Le monde arabe qui entoure Israèl est un monde divisé. Ce qui est malheureux c'est qu'en dépit de la pais avec l'Egypte et avec la Jordanie, la réconciliation ne se fait pas.

 

Autour de cette conférence, voir aussi:
- Début de la conférence ( Données historiques)
- Le débat à la suite de cette conférence

 

 
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