Etat des lieux
Il y a eu une lente évolution des mentalités de part
et d'autre en Israèl et dans les pays arabes qui fait que dans
les années qui vont précéder cette guerre du
Golfe les mentalités ont évolué. Yasser Arafat
était venu en 1989 voir le Président Mitterand et avait
déclaré sur le perron de l'Elysée que la charte
des palestiniens votée en 1974 était caduque. On commençait
à sentir que les Palestiniens se disaient que cette stratégie
de l'opposition absolue n'était plus payante. Ils étaient
portés par un formidable espoir. Les Palestiniens des camps,
ceux de Gaza s'étaient révoltés. C'était
des jeunes, 10-15 ans, qui ne connaissaient rien à l'histoire
de leur pays. Il faut se représenter Gaza. Gaza c'est 260 kilomètres
carrés qui sont pris entre mer et désert et qui sont
entourés de barbelés. Il n'y a rien à Gaza. Il
n'y a pas de pétrole. Il n'y a que du sable. Et là vous
avez des camps palestiniens où sont nés des jeunes dans
les années 70 ou 75, et qui avaient 10-12 ans au moment de
la première révolte des pierres et qui n'en peuvent
plus, qui ne voient plus d'horizon, qui n'ont pas d'avenir et qui
se révoltent. Et Arafat comprend qu'il y a une carte à
jouer là et qu'il y a véritablement une revendication
populaire qu'il faut porter à sa maturité politique.et
l'idée de la caducité de la charte commence à
faire son chemin.
En Israèl le camp de la paix se constitue ausssi, un camp qui
demande le retrait de l'armée israèlienne des territoires
de Cisjordanie et de Gaza. De graades questions se posent avec du
réalisme politique et une volonté profonde de faire
la paix, de faire taire les armes, une fois pour toutes. La guerre
du Golfe arrive dans ce contexte et il est facile à ce moment-là
de s'installer autour d'une table et de commencer à négocier.
Et la négociation est formidable puisque le 13 septembre 1993
les fameux accords dits d'Oslo vont être signés. Et il
faut saluer ces accords qui sont une percée extraordinaire.
Ils ont été contestés de part et d'autre par
les faucons Israèliens mais par beaucoup de Palestiniens aussi.
Quand vous jetez un coup d'oeil sur ces accords d'Oslo, il y a quelque
chose de formidable ; il y a la reconnaissance pour la première
fois par les Palestiniens de l'Etat d'Israèl.
Depuis il y a eu des déclarations, mais là officiellement
dans un texte écrit, avalisé par les Nations Unies,
par le médiateur américain et signé solennellement
à Washington, le13 septembre 1993, les Palestiniens disent
"nous reconnaissons l'Etat d'Israèl. Et à quoi
s'engagent les Israèliens en contre-partie ? Ils disent "nous
reconnaissons l'O.L.P. comme le représentant du peuple palestinien.
C'est là où la contestation va surgir dans le camp d'Arafat
en disant "tu as abandonné une carte maîtresse là,
nous reconnaissons l'Etat d'Israèl, mais l'Etat d'Israèl
ne nous reconnaît pas en tant qu'Etat". La reconnaissance
est dissymétrique. Elle n'est pas équilibrée.
Arafat joue pourtant là-dessus parce qu'il est entré
finalement dans la seule logique possible à cette époque-là.
Israèl étant véritablement un Etat fort et qui
a l'appui des Etats-Unis, au fond Arafat est entré dans une
logique de reconnaissance graduelle.
Jusque-là les Palestiniens se refusaient à reconnaître
Israèl et déclaraient cet Etat Sioniste usurpateur et
n'utilisaient même pas le terme d'Etat. Ils disaient l'entité
sioniste. La censure était tellement forte que dans les dictionnaires
qui arrivaient aux pays arabes vous ne pouviez pas consulter le terme
Israèl, vous ne l'aviez pas parce que la censure offficielle
arrachait les pages. Donc il faut saluer véritablement cette
reconnaissance même si du point de vue palestinien, les Palestiniens
n'avaient pas tout à cette époque.
Je me souviens d'un intellectuel palestinien de renom qui est toujours
en place, Edouard Saïd, qui disait à Arafat "tu es
un traître !" - "Et pourquoi ?" - "Parce
que je te compare à Mandella. Mandella a accepté de
sortir de prison une fois qu'il a eu l'assurance que l'Apartheid serait
démantelé. Il n'est pas sorti en attendant de discuter
pour qu'un jour on bannisse l'Apartheid. Là tu es en train
d'accepter de nous enfermer dans un bantoustan, parce que les Israèliens
veulent créer un bantoustan palestinien dans une région
qui sera contrôlée peu ou prou par Israèl".
Arafat a accepté ce pari. Il est en train de le perdre si on
veut véritablement s'arrêter à la photographie
que nous renvoie aujourd'hui l'actualité.
Arafat entre dans ce pari qui à la fois comporte cette reconnaissance
dissymétrique et aussi une logique de paix probatoire. Parce
que les Israèliens entrent dans une logique de consensus, de
compromis et d'avance graduée vers la paix. On ne dit pas "un
Etat Palestinien naîtra demain". On dit la chose suivante
"Nous allons progresser lentement vers la paix. Quand les Palestiniens
feront un premier pas vers nous, nous, nous allons faire un pas vers
eux et nous allons nous retirer de 5% de la Cisjordanie et de 10%
de Gaza. Puis nous allons reprendre la discussion. Et puis peut-être
que nous donnerons aux Palestiniens le droit d'avoir un drapeau. Et
puis, ils auront peut-être leurs timbres-poste et ensuite on
créera une route dont on confiera le contrôle aux Palestiniens.
Donc Israèl concède la paix mais en la saucissonnant
au fur et à mesure qu'ils testent la bonne volonté des
Palestiniens. C'est pour cela qu'on peut parler véritablement
d'une paix probatoire. Et c'est une paix pathétique parce qu'Israèl
est le maître de l'agenda. Et les Palestiniens sont les maîtres
du symbole. Lorsque les Palestiniens ont pu créer un petit
drapeau et l'installer sur un poste-frontière, ils l'ont fait,
lorsqu'ils ont pu avoir un aéroport et dire "aéroport
de l'autorité palestinienne", ils l'ont fait. Ils sont
à la recherche de tous les symboles d'un Etat qui n'existe
pas. Ce sont les symboles d'un Etat à venir.
Et en face, vous avez Israèl qui, lui, est le maître
de l'agenda. Lorsque les Palestiniens ne pratiquent pas une politique
d'ouverture ou ne vont pas assez vite dans la reconnaissance d'Israèl
ou n'arrivent pas à contrôler des attentats qui se font
contre Israèl, Israèl décide de suspendre le
processus de paix. Et on est dans ce processus depuis 1993.
Qu'est-ce qui explique cette paix qui ne marche pas ?
C'est que les Israèliens sont juge et partie dans cette affaire.
Les Etats-Unis, eux aussi, sont juge et partie. Ils ne sont pas neutres.
Ce n'est pas l'ONU qu'on a choisi pour arbitrer ce conflit. Les Etats-Unis
ont débloqué le conflit, d'une certaine façon.
Ils ont fait en sorte que les Palestiniens puissent venir et s'installer.
Ils ont été les garants des uns et des autres. Mais
quand il y a une dispute sur une question importante, le camp américain
est déjà choisi. Il est là. On l'a vu encore
dans la visite que Mr Sharon est en train d'entreprendre aux Etats-Unis
aujourd'hui. Les Etats-Unis disent "nous n'avons pas l'intention
de nous impliquer dans ce conflit outre mesure. C'est à vous
de vous entendre". La neutralité supposée dans
un conflit comme celui-là joue à l'avantage du plus
fort. C'est bien entendu les Israèliens qui vont dire "écoutez
les Etats-Unis ne vont pas faire pression sur nous et c'est à
vous Palestiniens de venir vers nous pour voir un peu comment nous
allons débloquer cette situation. Mais nous avons des conditions.
"
Donc on se trouve dans une logique de reconnaissance dissymétrique,
dans une paix qu'on peut appeler probatoire et le troisième
point sur lequel bloque le processus c'est que les questions fondamentales
de la paix ont été laissées pour la fin. On s'est
dit "nous aurons le temps de nous connaître, nous allons
nous fréquenter pendant sept ou huit ans et quand on se fera
confiance et qu'on se connaîtra suffisamment, nous allons nous
installer pour discuter des choses qui fâchent. Il a a quatre
choses qui fâchent.
1° Un Etat.
Il n'est nullement dit dans les accords d'Oslo que les Palestiniens
devront avoir un Etat. Or les Palestiniens acceptent de discuter avec
les Israèliens dans l'espoir et dans la volonté d'avoir
un Etat comme les autres. Oui, un Etat, disent les Israèliens,
mais pas comme les autres. Un Etat, mais il faudra qu'on voie si vous
aurez une armée. Le contrôle des ports, essentiellement
à Gaza, c'est nous qui allons le faire. Et sur votre frontière
orientale, là où la Cisjordanie jouxte la Jordanie,
entre les Palestiniens et les Jordaniens, nous allons installer une
armée Israèlienne parce que éventuellement il
pourrait y avoir des trafics d'armes. Donc, un Etat, oui ; comme les
autres, non. Mais sur ce principe de l'Etat, rien n'a encore été
décidé.
2° Il y a des colonies de peuplement.
Depuis 1967 ; les Israèliens se sont installés en Jordanie
et à Gaza. Il y a aujourd'hui 145 colonies de peuplement qui
totalisent 200000 colons israèliens dont 180000 en Cisjordanie.
180000 colons israèliens en Cisjordanie pour une population
palestinienne d'un million deux cents mille avec des cas dramatiques
comme le cas d'Hébron. A Hébron, il y a une trentaine
de familles qui sont installées dans ce qu'on peut appeler
le quartier juif. Il y a à peu près huit cents soldats
qui les protègent et une population à Hébron
de 140000 habitants qui sont autour. On peut se demander quel peut
être l'avenir de ces colonies de peuplement. Pour le moment
c'est un point de friction très important.. En parlant des
colonies de peuplement, j'exclus Jérusalem.
3° Jérusalem constitue la pierre de discorde.
Aujourd'hui les Israèliens ont créé véritablement
un fait accompli à Jérusalem. En unifiant les deux parties
de Jérusalem depuis 1967 et en pratiquant une politique de
peuplement, les Israèliens sont aujourd'hui majoritaires à
Jérusalem. Il y a 600000 habitants à Jérusalem.
Il y a à peu près 425000 Israèliens, le reste
étant des Palestiniens arabes chrétiens ou musulmans.
Ce qui est encore plus dramatique dans cette évolution démographique,
c'est que dans la partie Est de Jérusalem, donc dans la partie
arabe, aujourd'hui les Israèliens sont majoritaires. Alors
qu'est-ce qu'on fait de Jérusalem ? Lieu hautement symbolique
mais aussi envisagé par les Palestiniens comme la capitale
du futur Etat de Palestine. La question est très importante.
Elle divise. C'est une question impossible à résoudre
sur laquelle les Palestiniens n'entendent pas faire de concession.
A supposer que Jérusalem comme aujourd'hui reste israèlienne,
est-ce que sur le mont du Temple, est-ce que sur l'esplanade des mosquées,
la souveraineté sera palestinienne. Oui, disent les Israèliens,
ce sera un droit de police, un droit de contrôle mais pas de
souveraineté politique encore.
4° Les réfugiés.
Qu'est-ce qu'on fait des réfugiés ? S'il y a un Etat
palestinien qui est créé, il s'installera en Cisjordanie
et à Gaza. Et alors que fait-on des Palestiniens du Liban,
que fait-on des Palestiniens de Syrie, d'Irak, de ceux qui sont allés
au Canada ? Là aussi les discussions ont avancé pas
mal. Les Palestiniens ne veulent pas renoncer au droit du retour.
Mr Clinton avait demandé à Arafat d'abandonner ce droit
au retour. Arafat s'est cabré sur ce point. Aujourd'hui il
y a des discussions en vue d'un compromis qui tournent autour de la
chose suivante : oui, droit au retour que pourra exercer n'importe
quel palestinien sur le plan des principes, mais ce droit au retour
sera soumis à des considérations d'ordre pratique parce
que l'Etat palestinien ne peut pas absorber l'ensemble des Palestiniens
du monde entier. Il y a une reconnaissance du principe et une limitation
du principe sur un plan pratique, mais les Palestiniens se batttent
pour avoir la reconnaissance du principe du droit au retour. Tout
cela est bloqué depuis le 27 septembre dernier lorsque Ariel
Sharon qui n'était pas encore premier ministre, allant se promener
sur l'esplanade des mosquées a provoqué la colère
formidable de l'intifada.
Il ne faut pas condamner Ariel Sharon. Il faut croire que les hommes
peuvent changer. J'ai vu plusieurs émissions dans lesquelles
Ariel Sharon disait : j'ai changé, ce n'est pas maintenant
que je vais conduire une nouvelle guerre, il faut que nous aboutissions
à la paix. Il ne faut pas condamner l'homme à priori.
Situation bloquée actuellement. Ce qui est dramatique c'est
qu'on s'était donné six ans, sept ans, en principe jusqu'au
4 mai 1999 pour que tout se termine. Or nous sommes en mars 2001 et
tout est à faire. Et tout est à refaire. Parce que en
six ans de fréquentation mutuelle, on a abouti au contraire
de l'objectif proposé au départ. Aujourd'hui Palestiniens
et Israèliens se détestent plus qu'avant. Le camp de
la paix en Israèl a disparu. Les colombes travaillistes et
les faucons sont aujourd'hui dans le même gouvernement. Tout
le monde est d'accord aujourd'hui pour jouer sur la sécurité
et ne pas discuter avant que la sécurité ne soit rétablie.
Que dire enfin de Yasser Arafat dont l'autorité est battue
en brèche. Elle est battue en brèche d'abord par son
propre camp puisque son expérience a été lamentable
sur le plan d'une constitution de l'autorité palestinienne.
Une autorité palestinienne qui n'a plus d'argent aujourd'hui
pour payer les Palestiniens. Ils sont soumis au blocus d'Israèl.
Il y a 125000 Palestiniens qui travaillent en Israèlet qui
sont le soutien économique de près d'un million 500000
Palestiniens. Ces derniers vivent de ce travail en Israèl et
Israèl a bloqué les territoires. Le chômage a
atteint des taux de 40%. L'Etat palestinien ne peut pas payer ses
fonctionnaires parce que les Israèliens qui perçoivent
les taxes à l'exportation des produits qui viennent de la Palestine
ne rendrent pas ces taxes à l'autorité palestinienne.
Qu'est-ce qui paye dans tout cela ? La paix est américaine
mais le bailleur de fonds est Européen. Ce sont les Européens
qui ont promis 600 millions de dollars à l'Etat palestinien
pour qu'il puisse payer ses fonctionnaires et qui ont été
fidèles à leur parole. Et l'Europe n'a pas son mot à
dire. La politique est américaine. Voilà la situation
qui prévaut aujourd'hui.
Je conclus sur trois points.
On peut constater la séparation entre le processus diplomatique
et l'évolution des esprits. Sur le plan diplomatique le processus
de paix continue. C'est le processus qui continue, on ne sait pas
s'il conduit à la paix. La diplomatie n'est pas la chose la
plus importante pour faire la paix. C'est le changement d'attitude.
Et le changement d'attitude ne s'est pas fait. Il ne s'est pas fait
sur des points symboliquement importants. Reconnaître un Etat
à l'autre, ce n'est pas lui concéder un droit, ce n'est
pas faire un compromis. Ce n'est rien lui concéder, c'est reconnaître
ses droits. Tout homme a droit à la liberté. Tout homme
a droit à un Etat. Donc on fait du marchandage, mais finalement
cette attitude qui consiste à dire "si vous êtes
sages, vous aurez un Etat", est incompréhensible. "Si
vous êtes sages, vous aurez droit au retour". Non. Fondamentalement,
ce n'est pas un droit qu'on concède, c'est un droit qu'on reconnaît
et la reconnaissance des droits, ce n'est pas la politique qui la
fait, cela vient de la reconnaissance de l'autre.
Il y a un deuxième point qui me frappe beaucoup quand je vois
le conflit israèlo-palestinien. C'est comment revisiter des
mémoires blessées. Le poids de la mémoire. Le
poids des morts qui pèsent sur le cerveau des vivants. Et il
faut comprendre dans cette région. Une région où
plane au-dessus des Israèliens le malheur de la Shoah. Et pour
les Palestiniens il y a le désespoir de l'exil dans une région
où créer un autre Etat, c'est exclure une population.
C'est un moucuoir de poche. La palestine, c'est 27000 kilomètres
carrés. Israèl c'est 20000 kilomètres carrés.
Un petit ou un grand département français. Tout cela
se joue véritablement entre mer et désert. Donc revisiter
cette mémoire, c'est comprendre que lorsque les peuples de
cette région discutent, ils discutent avec la peur de ne pas
survivre à la paix qu'ils font, la peur de disparaître.
Ce ne sont mas les chrétiens libanais qui me démentiront,
eux qui ont été massacrés. Pensez aux Arméniens
de cette région ! Perdre dans cette région c'est disparaître.
Donc discuter au fond, ce n'est pas aboutir à un compromis,
c'est essayer de garantir les chances de sa survie. Donc revisiter
ces mémoires, c'est les comprendre, c'est essayer d'éduquer
à la paix, c'est prendre en compte les besoins de l'autre,
l'insécurité fondamentale de l'autre. C'est là
où l'arrêt du processus de paix est tragique parce qu'il
s'est arrêté à cause d'une trop grande méconnaissance.
On est passé d'une non-reconnaissance à une méconnaissance
dans laquelle nous sommes aujourd'hui.
Agir pour la paix, c'est beaucoup agir pour rapprocher les sociétés,
décloisonner les espaces. On est en train de construire des
murs, on est en train de construire des corridors. Décloisonner
les espaces, c'est faire vivre deux peuples qui ont des niveaux de
développement inégaux. Israèl c'est la Suède,
la Palestine c'est le Bangladesh au plan du revenu national par tête
d'habitant. Comment peut-on faire vivre ces deux populations ? Israèl
c'est une des grandes régions où il y a des créations
sur le plan de la technologie informatique. Et en face, vous avez
des gens qui vivent de la culture de l'olivier et qui ont des boeufs
encore pour labourer des champs rocailleux. Il faut décloisonner
les espaces, il faut rapprocher les sociétés, il faut
gérer le pluralisme dans une région où les droits
de Dieu sont en train de l'emporter sur les droits de l'homme. Les
droits de Dieu c'est-à-dire les droits exclusifs que revendique
un peuple au nom de son rapport à Dieu. Dieu annexé
en quelque sorte par les conflits des hommes que ce soit pour les
mouvements fondamentalistes juifs ou pour les mouvements fondamentalistes
musulmans. Je pense que c'est là que le dialogue religieux
peut intervenir pour couper cette jonction qui est faite entre le
Dieu des conflits qui est un Dieu de violence et de vengeance et cette
idée fondamentale qu'étant tous les fils de Dieu, nous
situant tous dans la lignée d'Abraham il y aurait quand même
à nous réconcilier entre nous pour nous réconcilier
aussi avec Dieu.
Débats autour de cette conférence:
Question : J.Maïla nous a rappelé avec juste raison que
le conflit Israèlo-Arabo n'était pas un conflit religieux
mais politique. Mais en même temps il me semble que dans ce
conflit on ne peut pas oublier l'aspect religieux, car le politique
et le religieux sont très mêlés. Il y a un mois,
étant à Jérusalem au cours d'un repas je discutais
avec un journaliste juif qui avait affirmé son athéisme.
Lorsque nous avons parlé du droit au retour, il nous a dit
"Mais de toute façon, c'est Dieu qui nous a donné
cette terre !" Alors on lui répond "mais tout à
l'heure vous nous avez dit que vous étiez athée !"
Il nous a tout de suite répondu "mais ça n'a rien
à voir"
Réponse : Vous posez une question qui est un vrai casse-tête.
C'est vrai que le Dieu des croyants n'est pas le Dieu des athées
et dans cette perspective, je voudrais tenter une réponse.
Quand on dit que ce n'est pas une guerre de religion, on dit que ce
n'est pas une guerre de conversion. Il ne s'agit pas pour les uns
de faire la guerre au nom de Dieu pour convertir les autres à
la vraie religion.
Mais c'est vrai que la religion est convoquée, elle est appelée.
Elle sert de fondement à une culture. Il y a chez les Israèliens
et chez les Palestiniens notamment les Palestiniens musulmans, des
mouvements intégristes qui font appel à Dieu et qui
pensent qu'il y a une politique qui peut être tirée de
l'Ecriture. La Bible, le Coran nous donnent des éléments
pour répondre, pour organiser notre société.
On constate qu'à un moment donné Dieu est convoqué
dans les conflits parce que la religion apparaît comme un élément
fondamental non pas de la croyance mais de la culture politique. C'est
vrai qu'il est difficile de se définir uif en dehors de la
culture de la Bible, même quand on est athée. Et c'est
vrai que le Coran joue un rôle fondamental dans la vie des socités
et qu'un musulman athée ne peut pas mettre entre parenthèses
la structuration de la vie sociale par des règles de la charia
coranique. Il est difficile de faire la séparation.
Mais la question qui se pose pour nous et ausssi pour eux c'est de
savoir ce qu'on fait de Dieu, ce qu'on fait de la religion. En Irlande
du Nord quelqu'un est arrêté à un barrage et le
milicien lui dit "est-ce que vous êtes catholique ou protestant.
C'est fondamental parce que si on tombe sur le mauvais barrage on
peut être tué. La personne arrêtée répond
"Mais écoutez, c'est simple, moi je suis athée
!" Et le milicien en faction lui dit "Mais vous êtes
athée catholique, ou athée protestant ? C'est là
où on voit la religion servir de critère de différentiation.
On ne vous demande pas ce que vous croyez, à la limite on ne
s'intéresse pas à votre religion, mais on veut savoir
dans quelle catégorie vous mettre. Dans certaines sociétés,
le lien national étant tellement faible c'est le lien religieux
qui vient se substituer au lien national comme lien de solidarité.
Quand on a un lien national très fort, on peut en quelque sorte
rétrogader et faire du religieux une affare privée un
peu comme dans le cas de l'Etat laïque en France. Mais quand
le lien de solidarité nationale est faible, c'est soit la famille,
soit le clan, soit la religion qui deviennent déterminant de
l'identité et la religion.
Question sur la place des autres pays arabes du Moyen Orient
Réponse :Lorsque le conflit israèlo-arabe se noue, tous
les états de la ligue arabe se déclarent solidaires
des Palestiniens et tous les états arabes se liguent contre
Israèl. Le premier qui casse cette alliance contre Israèl,
c'est l'Egypte lors de la signature de camp David le 26 mars 1979.
C'est un moment extraordinaire et extrêmement émouvant
dans la réconciliation qui n'est pas compris. Il y a une théorie
américaine que je ne partage pas du tout qui dit qu'il faut
intervenir dans les conflits lorsqu'ils sont mûrs. A ce moment
on intervient parce que là, il y a une possibilité de
faire la paix.
Mais qu'est-ce que cela veut dire un conflit suffisamment mûr
? Ce la veut dire que les gens se sont suffisamment battus, ont suffisamment
eu de morts, ont suffisamment pleuré pour décider qu'il
faut mettre fin à la guerre.. Je ne suis pas partisan de cette
théorie, je pense qu'au coeur des violences, il y a toujours
une place pour une parole prophétique. Sadate, le président
égyptien a eu une parole prophétique à ce moment-là.
Il en est mort. Parce que la population n'acceptait pas que le président
de la plus grande nation arabe puisse faire ce geste. Il a été
assassiné en grande partie pour cela et son peuple ne l'a pas
pleuré. Il est mort dans le mépris. L'histoire le reconnaîtra
probablement comme un pionnier. Mais à partir de ce moment-là
l'Egypte est en quelque sorte exclue du champ de bataille et c'est
fondamental pour l'équilibre des forces parce que sans l'Egypte,
il n'y a pas de guerre possible contre Israèl. En 82, Israèl
entre au Liban. Personne ne bouge.Le plus grand Etat qui aurait pu
faire la guerre contre Israèl ne le pouvait pas. Il était
en paix avec Israèl.
Il y a un aspect relation avec l'environnement arabe et il y a un
aspect relation avec les Palestiniens. Le dilemne est le suivant :
faut-il faire la paix avec les Etats arabes d'abord au détriment
de la paix avec les Palestiniens ou faut-il attendre de résoudre
le conflit entre Israèl et les Palestiniens ? Le monde arabe
qui entoure Israèl est un monde divisé. Ce qui est malheureux
c'est qu'en dépit de la pais avec l'Egypte et avec la Jordanie,
la réconciliation ne se fait pas.