La conférence de Luc Pareydt
que j'avais tant appréciée est déjà loin
dans le temps et, comble de malchance, je n'ai plus le
texte, ni sur Germinal dont
j'ai donné tous les numéros en ma possession, ni même
sur la cassette que j'ai prêtée à je ne sais plus
qui. Alors, je fouille dans ma mémoire. Des expressions, des
mots surnagent : "tout va mal, il faut inventer - choisir la
vie - risquer des coups - inventer l'avenir en s'appuyant sur le passé
- soigner notre foi - ne pas vivre les yeux fixés sur le rétroviseur,
mais ne pas abuser de l'accélérateur".
J'ai aimé ces comparaisons avec
la conduite automobile que je trouve parlantes. Par contre, je ne
suis pas tout à fait d'accord quand le conférencier
nous dit que tout va mal dans notre Eglise. Il me semble qu'à
toutes les époques l'Eglise a connu des difficultés,
ce n'était peut-être pas les mêmes, mais pour autant
elles n'en étaient pas moins dangereuses. Je ne m'arrêterai
donc pas sur ces expressions mais par contre j'aimerais réagir
à l'insistance du conférencier sur : "ce qui est
important aujourd'hui c'est de soigner notre foi".
De quoi parle-t-on quand on évoque
la foi. Je ne suis pas sûre que tous les fidèles qui
fréquentent la messe dominicale mettent la même chose
sous ce mot. Les médias nous y incitent d'ailleurs. Pour eux,
les chrétiens se recensent à partir de la pratique cultuelle
: un certain pourcentage va à la messe plus ou moins souvent,
fait baptiser ses enfants, a recours aux obsèques religieuses,
pratique certaines dévotions : pèlerinages, culte des
morts, cierges devant la statue des saints etc.. Ceux-là sont
chrétiens. Traduisez ils ont la foi. Et cependant, peut-être
en est-il parmi eux qui répondraient comme ce jeune chrétien
d'un pays étranger à qui l'on demandait "connais-tu
Jésus-Christ ?" - "ah, excusez-moi, il n'est pas
de ce village".
Pour d'autres, la foi est une option
intellectuelle, une affaire privée qui ne regarde que celui
qui s'en réclame. Avec angoisse, je me demande parfois si ma
vie ne porte pas à penser que je suis de ceux-là. Souvent,
je me pose à moi-même la question : as-tu vraiment la
foi ? Qui peut répondre vraiment à cette question, sinon
Dieu seul ? La foi, en effet, n'est pas un objet qu'on peut perdre
et retrouver comme on perd un stylo ou un autre objet. C'est le coeur
de notre coeur, c'est une vie qui se manifeste par des actes, par
une certaine façon d'être et une vie pour laquelle on
n'a pas d'instrument de mesure précis.
Notre foi a donc besoin d'être soignée. D'autant plus
que la société dans laquelle nous vivons n'est pas porteuse.
Mais s'il est fondamental de soigner notre foi, nous ne savons pas
toujours comment le faire.
Il y a la messe et les sacrements,
bien sûr. Mais encore faut-il que nous les vivions réellement
sans nous endormir pendant la lecture des textes et sans laisser vagabonder
notre esprit sur toutes sortes de futilités. Or ce n'est pas
toujours facile. Que de fois, le matin surtout, je lutte désespérément
contre le sommeil sans arriver à me réveiller vraiment
tandis que se déroule le rite eucharistique. Le dimanche, il
y a les chants et l'homélie qui devraient me réveiller.
Hélas, cela ne se produit pas toujours. Et pour les jeunes,
il semble que les rites de la messe soient beaucoup trop répétitifs
et que n'y comprenant pas grand chose, ils n'y vont pas ou peu.
Il y a aussi la réflexion, l'étude
qui peuvent être des moyens d'alimenter notre foi. Personnellement
j'ai beaucoup apprécié les efforts déployés
pas nos prêtres pour faire venir des intervenants de qualité
comme les Pères Moingt, Glé, Béguerie et d'autres
qui nous ont à chaque fois provoqués et amenés
à creuser notre foi en Jésus Christ. Il me semble qu'il
faut privilégier ce type de conférences plutôt
que celles qui ont un aspect culturel enrichissant certes, mais sans
incidence sur notre foi proprement dite.
En outre, je suis convaincue que la
foi ne se vit pas seul, mais que nous nous nourrissons les uns les
autres lors de nos échanges et dans les engagements que nous
prenons au service des autres. Mes frères ne se rendent peut-être
pas toujours compte de ce qu'ils m'apportent lors de nos rencontres
sur la Bible. Récemment l'un d'eux a fait une remarque qui
m'a fait beaucoup réfléchir et m'a soutenue dans les
moments de tentation. (car j'en ai, plus souvent que vous ne pensez).
Après une étude sur St Paul prêchant un Christ
crucifié (1 Cor. 1,23), l'un des participants a murmuré,
"c'est vrai qu'une affaire comme cela, ça n'aurait pas
dû marcher". Et cependant une douzaine de pauvres bougres
qui avaient accompagné ce prophète à la fin lamentable
ont été à l'origine d'une Eglise qui tient debout
depuis 2000 ans.
Enfin pour alimenter ma foi, j'ai la
Bible. Et cela, c'est une source pure, intarissable. Luc Pareydt l'a
dit lui-même en évoquant la réponse de Pierre
à Jésus, à Césarée de Philippe
(Mtt 16, 16). Pour moi les passages d'Evangile qui me font vivre et
que je rumine souvent c'est d'une part : Jean 1, 39. Suivi par Jean
et André au tout début de sa vie publique, à
leur demande "Maître, où demeures-tu ?" Jésus
répond "venez et vous verrez" Or la suite du texte
ne nous dit pas ce qu'ils ont vu, ni ce qui leur a été
dit, mais elle précise qu'ils ont suivi Jésus et qu'ils
demeurèrent avec lui ce jour-là. Et le lendemain
voilà nos deux jeunes gens devenus missionnaires et allant
recruter des copains pour suivre Jésus.
Demeurer avec Jésus
c'est donc très important. Demeurer, c'est-à-dire, vivre
avec lui, pour lui, ne pas cesser d'échanger avec lui tout
au long de notre vie au fur et à mesure que les questions se
posent. Autrement dit, demeurer dans la prière et dans une
prière de contemplation.
L'autre texte qui me parle, c'est dans
St Matthieu (Mt 14, 22-33) la marche de Jésus, puis de Pierre
sur les eaux. Tant que Pierre regarde Jésus, il avance sur
l'élément liquide, quand il se regarde, lui, il prend
peur (et on le comprend) et il enfonce. D'une autre manière,
ce texte me dit la même chose que St Jean, ne pas cesser
de regarder Jésus.
Quelquefois, je pense qu'il y a un
côté paradoxal dans la foi : d'une part elle est don
de Dieu, mais alors pourquoi ce don est-il accordé aux uns
et pas aux autres ? Et d'autre part elle est fruit de l'effort de
l'homme. Et c'est pourquoi il nous faut la soigner pour qu'elle soit
vraiment la foi en Jésus Christ qui nous aime et qui nous sauve
et nous appelle à aimer nos frères et à les sauver.
Je pense que quels que soient les moyens
pris pour ce faire, la foi sera toujours un combat, le combat de Jacob
avec l'ange, car elle n'est pas, elle ne peut pas être, évidence.
Elle est de l'ordre de la confiance et de l'amour. Et quand Philippe
lors de la dernière séance de Bible nous demandait "est-ce
que vous tressaillez de joie en pensant au retour du Christ que nous
appelons de nos voeux à chaque Eucharistie ?" j'avais
envie de lui répondre "oui, parce que j'ai confiance !
"
Ce que sera le royaume, comment je
serai, comment je retrouverai tous ceux que j'ai connus et aimés,
je n'en sais rien, mais j'ai confiance en Dieu. Je sais qu'il m'aime
et qu'il ne peut pas me décevoir, aussi quand je pense que
la fin de mon histoire terrestre approche, c'est vrai que je tressaille
de joie. Même si un peu de crainte se mêle à ma
joie.
Soeur Marie-Joseph